Thibault de Montbrial : «Des incidents et découvertes assimilés à des tests susceptibles de préfigurer des frappes à venir»
INFO LE FIGARO – La berline suspecte, qui n’avait plus de plaque d’immatriculation, a été retrouvée dimanche matin aux abords de la cathédrale Notre-Dame. La section antiterroriste de la brigade criminelle et la DGSI ont été saisies. Deux couples sont en garde à vue.
La section antiterroriste de la brigade criminelle et la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) ont été saisies d’une enquête après la mystérieuse découverte, dimanche matin, d’une voiture contenant six bouteilles de gaz, cinq pleines dans le coffre et une vide sur le siège avant, trois bouteille de gasoil dans le coffre, aux abords de la cathédrale Notre-Dame à Paris. Le véhicule suspect, de marque Peugeot 607, feux de détresse allumés et dénué de toute plaque d’immatriculation, était stationné au 43, rue de la Bûcherie (Ve arrondissement). «La voiture était libre de tout occupant, comme abandonnée», précise au Figaro – qui a révélé cette affaire mercredi matin – une source informée, ajoutant que «les bonbonnes n’étaient reliées à aucun détonateur, aucune chaîne pyrotechnique».
Les experts de la police technique et scientifique ont passé la voiture au peigne fin. Les enquêteurs cherchent à remonter la piste du ou des derniers occupants. Deux couples étaient en garde à vue jeudi dans le cadre d’une enquête préliminaire du chef d’association de malfaiteurs terroristes criminelle. Il s’agit d’un premier couple d’une trentaine d’années (29 et 34 ans) interpellé la veille à 13h30 sur l’autoroute A7, sur l’aire de repos d’Orange-Le Grès (Vaucluse), par l’antenne locale du GIGN. Les gendarmes d’élite ont remis les suspects à la PJ. Connus des services de renseignements comme appartenant à la mouvance islamiste radicale, ils s’apprêtaient à se rendre en Espagne au moment de leur interception. Ils ont été transférés au 36, quai des Orfèvres pour y être interrogés. Un deuxième couple a été arrêté près de Montargis dans le Loiret et placé en garde à vue dans la nuit de mercredi à jeudi.Le propriétaire de la Peugeot 607, comme plusieurs autres suspects, a, lui aussi, été placé en garde à vue avant d’être relâché. Il est connu pour des faits de prosélytisme islamiste.
Dans un courrier envoyé mardi au préfet de police de Paris, Florence Berthout, maire (Les Républicains) du Ve arrondissement, ajoute qu’un «carnet de notes en arabe» a également été découvert dans le véhicule. Le Figaro a obtenu mercredi confirmation de source informée qu’«un feuillet en langue arabe est en cours de traduction». L’élue ajoute que la voiture a pu stationner en toute illégalité pendant plus de deux heures, en dépit de plusieurs signalements téléphoniques, dans une ruelle où le stationnement est interdit. Elle déplore «une grande difficulté d’appréhension de la menace» et un manque d’effectifs policiers dans un secteur touristique.
L’affaire, énigmatique et inquiétante, est prise très au sérieux dans le contexte de menace actuelle. Entendu à huis clos à l’Assemblée nationale le 24 mai dernier, Patrick Calvar, le directeur général de la sécurité intérieure (DGSI), s’est dit «persuadé» que les terroristes de Daech « passeront en France au stade des véhicules piégés et des engins explosifs, et ainsi qu’ils monteront en puissance». «C’est ce que nous avons connu en 1986 et 1995 , il s’agit de modes opératoires classiques», rappelait le patron français de la lutte antiterroriste avant d’annoncer: «Ils vont finir par projeter des commandos dont la mission consistera à organiser des campagnes terroristes sans nécessairement aller à l’assaut avec la mort à la clef.» «Pour cela, il leur faut des artificiers et organiser toute une logistique, c’est-à-dire s’installer sur notre territoire, acquérir tous les produits», avait noté Patrick Calvar.
«La menace terroriste n’a jamais été aussi élevée»
Mardi matin, le premier ministre, Manuel Valls, a quant à lui rappelé sur RTL que la «menace terroriste n’a jamais été aussi élevée». Selon le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, les services français ont interpellé pour le seul mois d’août sept personnes en lien avec des réseaux terroristes, dont trois avaient des projets d’attentats.
«Il y a une très vive inquiétude au sein des services de renseignement face au spectre d’une attaque imminente et d’ampleur, observe Me Thibault de Montbrial, président du Cercle de réflexion sur la sécurité intérieure (CRSI). Les experts de l’antiterrorisme évoquent bien sûr l’État islamique, qui cherche à reprendre l’initiative en exportant le conflit en Europe, sans oublier la menace spécifique d’al-Qaida que l’on a tendance à oublier mais qui est bien réelle.» Cet expert assure qu’«un certain nombre d’incidents et de découvertes récentes sont assimilés par les analystes à des “tests” susceptibles de préfigurer des frappes à venir».