VA. Vous parlez régulièrement du port d’arme pour les citoyens. En quoi une telle évolution permettrait-elle de lutter contre l’insécurité ?
Thibault de Montbrial. L’analyse de nombreuses attaques à l’arme de guerre dans des lieux publics conduit au théorème suivant : plus rapide est la riposte par le feu, moins il y a de victimes. C’est pourquoi les autorités ont changé les règles d’intervention des forces de l’ordre, les primos-intervenants étant désormais invités à entrer directement en action et non plus à former un périmètre de sécurité en attendant les groupes d’interventions.
VA. Mais avant l’arrivée des primos-intervenants, que faire sinon subir, si personne ne porte une arme à l’intérieur du lieu attaqué ?
Thibault de Montbrial. D’abord, inciter les policiers à porter leur arme en dehors du service. Cette mesure cruciale permet d’avoir des personnes armées en civil dans les transports en commun, les galeries commerciales, les cinémas ou les salles de spectacle (sauf celles qui ont la bêtise de les interdire).Il faut donc inciter les administrations qui demeurent réticentes, comme la gendarmerie ou les douanes, à encourager leur personnel sur cette voie.
Mais il faut aller plus loin. Je préconise à cet égard de permettre à deux catégories de citoyens de porter une arme sous leur vêtement civil : d’abord les anciens membres des forces de l’ordre, et ensuite, certains citoyens volontaires qui seraient formés à cette fin. Pour ces deux catégories de « civils armés », on peut imaginer une formation initiale suivie par un entraînement régulier et un contrôle périodique aussi bien sur le plan technique que médical et psychologique.
Il n’est pas question d’armer tout le monde. Mais, appliquée à 1 ou 2% de notre population, cette mesure permettrait d’avoir en permanence une couverture significative des lieux publics.
Son coût serait modéré au regard de l’efficacité considérable qui en résulterait à la fois en efficacité de riposte et même de dissuasion, puisque les assaillants s’exposeraient à un risque de riposte immédiate qu’ils ne pourraient mesurer à l’avance.
VA. Souhaitez-vous, si certains citoyens peuvent s’armer, que la France bascule dans ce qu’on appelle une “société à l’israélienne”?
Thibault de Montbrial. Que nous le voulions ou non, ce basculement a commencé avec la multiplication des attaques dont notre territoire est l’objet (16 depuis celle du commissariat de Joué-Les Tours le 20 décembre 2014). En Israël, la plupart des actions qui ont mis fin aux attaques de ces dernières années sont le fait de civils armés dont l’intervention dans la minute du début de l’attaque a souvent permis de neutraliser le ou les assaillants. L’autre aspect positif d’une évolution à l’israélienne consiste à travailler la résilience de la population : se préparer au risque, réagir au mieux, rebondir après. Il faut dépasser les fleurs et les bougies et mettre en place une politique lucide de sécurité civile.
VA. Les détracteurs du port d’arme utilisent l’exemple du nombre de morts dans les pays qui l’autorisent, notamment aux États-Unis. Que leur répondez-vous?
Thibault de Montbrial. Le port d’arme véhicule de nombreux fantasmes, mélange d’idéologies et d’ignorance, à commencer par la confusion classique entre le port et la détention. Les États américains qui autorisent le port d’une arme ont tous vu la criminalité baisser. Les massacres de civils sont l’œuvre de personnes qui utilisent des armes détenues (et non portées) et, dans l’immense majorité des cas, dans des États où le port d’arme est interdit ; et la plupart des homicides sont commis avec des armes illégalement détenues. En toute hypothèse, ma proposition est adaptée à la situation de la France. Elle ne consiste pas à autoriser n’importe qui à sortir avec une arme dans la rue, mais à augmenter significativement la protection de nos lieux publics, dans un cadre structuré (formation, contrôle) et limité à 1 ou 2 % de la population choisie selon les critères précités. Alors que tous les spécialistes savent que les attaques terroristes plus ou moins spectaculaires vont continuer à frapper notre pays pendant de nombreuses années, il est impossible de faire l’économie de solutions opérationnelles simples et peu coûteuses susceptibles de renforcer la sécurité de nos concitoyens.