Un texte amputé d’un tiers par le Conseil constitutionnel

Un texte amputé d’un tiers par le Conseil constitutionnel
7 mars 2024 Olivier Debeney

Un texte amputé d’un tiers par le Conseil constitutionnel

Le 25 janvier 2024, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision concernant la loi immigration, adoptée un mois plus tôt à l’Assemblée nationale. Cette décision a été rendue suite à une saisine du Président de la République. Plus d’un tiers des articles de la loi ont été censurés, le Conseil constitutionnel estimant qu’ils étaient contraires à la Constitution. Ainsi 32 des 86 articles ont été considérés comme étant des “cavaliers législatifs” et 3 autres ont été jugés contraires à la Constitution, notamment pour atteinte à la liberté d’aller et venir, au droit à la vie privée et familiale, ou encore au principe d’égalité.


Définition d’un cavalier législatif (32 des 35 articles supprimés pour ce motif)

“ Un cavalier législatif est une mesure introduite dans la loi en préparation par un amendement qui n’a aucun lien avec le projet ou la proposition de loi déposé sur le bureau de la première assemblée saisie en méconnaissance des règles posées par les articles 39 et 44 de la Constitution. [1]

Ce qu’il reste de la loi votée au Parlement [2] [3]

  • Élargissement des OQTF à certains étrangers habituellement protégés et simplification des expulsions, y compris pour ceux arrivés en France avant l’âge de 13 ans, ceux qui résident sur le territoire depuis plus de 20 ans, ceux mariés à un citoyen français et les parents d’un enfant français.
  • Exclusion de l’aide sociale à l’enfance pour les étrangers de 18 à 21 ans sous OQTF.
  • Création d’un fichier des mineurs non accompagnés délinquants.
  • Interdiction de placer des mineurs en centre de rétention administrative (CRA)
  • Régularisations, sous condition, dans les métiers en tension : La loi donne aux préfets un pouvoir discrétionnaire de régularisation des travailleurs sans-papiers dans ces métiers, mais permet à ces derniers de demander un titre de séjour sans passer par leur employeur.
  • Titre de séjour conditionné au respect des “principes de la République”. Désormais, une personne étrangère qui sollicite un titre de séjour s’engagera “par la souscription d’un contrat d’engagement, au respect des principes de la République” (liberté personnelle, liberté d’expression, égalité entre les femmes et les hommes, etc).
  • Simplification des procédures de la Cour nationale du droit d’asile : certaines décisions pourront être prises par un juge unique et non plus de manière collégiale.
  • Allongement de la durée d’assignation à résidence de certains étrangers : elle passe de 6 mois à 1 an et devient renouvelable deux fois pour les étrangers justifiant une impossibilité de quitter le territoire.
  • Déploiement de pôles “France Asile” sur tout le territoire pour y concentrer les services de la préfecture et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et des agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Objectif : traiter les demandes d’asile des nouveaux arrivants en France.

Les principaux articles supprimés

Le Conseil constitutionnel a censuré une grande partie de la loi immigration, adoptée en décembre 2023, notamment les mesures phares concernant les quotas migratoires annuels et le durcissement de l’accès aux prestations sociales pour les étrangers.

Censurés sur le fond :

  • Quotas migratoires annuels : le Conseil constitutionnel a jugé que le Parlement ne pouvait pas être contraint de fixer des quotas migratoires.
  • Relevé d’empreintes des étrangers en situation irrégulière : la loi initiale autorisait la contrainte pour la prise d’empreintes, ce que le Conseil a jugé contraire à la Constitution.

Censurés pour des motifs de procédure :

  • Durcissement de l’accès aux prestations sociales pour les étrangers : allongement de la durée de résidence exigée pour l’APA et les APL.
  • Resserrement des critères du regroupement familial : augmentation de la durée de résidence requise de 18 à 24 mois.
  • Caution retour pour les étudiants étrangers: dépôt d’une caution pour garantir leur départ du territoire à l’expiration de leur titre de séjour.
  • Fin de l’automaticité du droit du sol pour les enfants d’étrangers nés en France [4].

 

 


Sources

[1] Dalloz

 

[2] France Info, 25/01/2024

 

[3] Le Point, 26/01/2024

 

[4] Vie Publique, 27/01/2024