Trafic de drogue l’état de la menace

Trafic de drogue l’état de la menace
30 janvier 2024 pierre

Trafic de drogue l’état de la menace

En France, l’ampleur du trafic de drogue fait peser un risque majeur sur la société dans son ensemble : problèmes sanitaires, corruption, déstabilisation des services de l’Etat.


Une infiltration croissante dans toutes les strates de la société française

  • En 2023, selon l’Oce antistupéfiants (OFAST), le chire d’aaires annuel du trafic de drogue est évalué à 3 milliards d’euros.
    → 240.000 personnes en vivent directement ou indirectement en France, 21.000 à temps plein.
  • En novembre 2022, la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, en charge notamment de la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco) jugeait que « le niveau de la menace est tel que l’on détecte des risques de déstabilisation de notre État de droit, de notre modèle économique, mais également de nos entreprises, à un niveau stratégique majeur. La menace que font peser ces groupes criminels sur la société est « une question de porosité. Elle découle du degré de corruption à diérents niveaux. On le voit dans certains dossiers en cours d’instruction. L’un est déjà passé à l’audience, à la suite d’une aaire de corruption douanière [cinq anciens dirigeants de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières ont été condamnés, le 24 septembre 2022, à des peines de prison pour des dérives liées à la gestion d’un informateur]. L’étape d’après, c’est la corruption de la police, ou des magistrats. C’est-à-dire une infiltration des agents engagés à lutter contre la criminalité ».

Sans “choc d’autorité” la France risque donc de devenir un proto-narco-Etat comme peuvent l’être selon certains analystes la Belgique ou les Pays-Bas.

« Sans exagérer, sans fantasmer, il faut se dire que tous les dossiers en cours démontrent aujourd’hui que la réalité de l’infiltration de nos sociétés par les réseaux criminels dépasse toutes les fictions », Laure Beccuau Procureure de Paris.

La banalisation des règlements de comptes

  • En 2023, dans les zones de compétences de la police, 315 homicides ou tentatives d’homicide entre malfaiteurs sont liés au trafic de drogue, soit une hausse de 57% en un an, rapporte le directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux. Et d’ajouter : « Cette violence s’étend à des villes de taille moyenne, un peu partout sur le territoire ».

Les zones portuaires et aéroportuaires : points d’entrées privilégiés

  • En règle générale, en France, 80% des drogues saisies arrivent par voie maritime.
  • En 2022, 156,7 tonnes de drogue ont été saisies ;
    128 tonnes de cannabis, soit une augmentation de 15% par rapport à 2021, 27 tonnes de cocaïne (+5%), 1,4 tonne d’héroïne (+8%), 273 kilos d’amphétamines et de méthamphétamines (+21%).
  • En 2022, selon l’Oce européen des drogues et toxicomanies (OEDT), 303 tonnes de cocaïne ont été saisies, contre 58,4 tonnes en 2010, dont respectivement 110 tonnes à Anvers, 47,5 tonnes à Rotterdam, 10 tonnes saisies en France. A noter que seulement 6% des conteneurs européens transitent en France ;
  • Une corruption grandissante : « Tout s’achète : 35 000 euros pour un badge d’accès à un terminal, 100 000 euros pour recruter un conducteur de chariot-cavalier (portique de manutention de conteneur), 150 000 pour un docker », explique un membre de la police judiciaire de la Seine-Maritime au Parisien ;
  • En 2021, les services douaniers de Paris-Aéroports, ont saisi 17,1 tonnes de produits stupéfiants et plus de 250.000 doses de produits de synthèse.

De nouvelles substances qui rendent la lutte toujours plus dicile

  • En 2022, selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), le nombre d’usagers7 dans l’année de : cocaïne est de 600.000, cannabis est de 5 millions, MDMA/ECSTASY est de 400.000.

Outre les drogues “traditionnelles” de nouvelles drogues de synthèse font leur apparition. La nouvelle menace vient des substances psychoactives dangereuses. Ces nouveaux produits de synthèse (NPS), tels que le 3-MMC, la MDMA, la kétamine et le GBL sont obtenus à l’aide de précurseurs chimiques disponibles légalement. Il suffit simplement de suivre la “recette”…

  •  Depuis 2008, en France, 368 NPS ont été répertoriés dont 35 en 2021 ;
  • En France, début septembre, l’agence régionale de santé (ARS) de l’Île de la Réunion a alerté sur la présence « d’opiacés de synthèse (…) cinq cent fois plus puissants que l’héroïne », entraînant « un risque d’overdose majeur, quelques secondes ou minutes après la prise du produit » ;
  • A titre d’exemple, en 2022, le fentanyl est responsable de la mort de 110.000 personnes aux Etats-Unis.

Une recomposition des trafics

A la multiplication des drogues s’ajoute une recomposition des trafics et une porosité toujours plus importante sur les flancs est et méditerranéen de l’Europe.

La guerre en Ukraine ne facilite pas la tâche aux forces de sécurité intérieures. Dès juin 2022, Interpol alertait quant à « la grande disponibilité d’armes du conflit actuel qui entraînera la prolifération d’armes illicites dans la phase post-conflit ». Cette fragilité structurelle du flanc est de l’Europe ne va pas s’améliorer puisque l’UE, en janvier 2024, vient d’intégrer partiellement à l’espace Schengen, la Roumanie et la Bulgarie.

L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) rappelle dans son rapport de 2022 que les conflits au sens large sont des facteurs de recomposition du trafic et de la production de drogue : « Les informations du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud-Est tendent à indiquer que les situations de conflit peuvent agir comme un aimant pour la fabrication de drogues synthétiques, qui peuvent de fait être produites n’importe où ».

Les consommateurs, le nerf de la guerre

Lors d’une visite à Marseille, le 4 janvier, le ministre de l’Intérieur a réarmé poursuivre sa stratégie de « harcèlement des consommateurs et des points de deal ». Le locataire de la place Beauvau souhaite intensifier la pression : « La police sera partout présente pour effectuer des contrôles et attaquer les consommateurs jusque chez eux ».

La lutte contre le trafic et la consommation de drogue se complexifie. Les points de deals sont de plus en plus dius et insaisissables. Leur mobilité est leur force.

« On ne peut pas vouloir la paix, la sécurité et la fermeté à Marseille et en même temps consommer du cannabis et de la cocaïne dans les beaux quartiers », Gérald Darmanin Ministre de l’Intérieur.

Des forces de l’ordre dépassées

Les mafias qui règnent sur le narco-banditisme sont en eervescence sur le territoire national. L’aaire d’Orly13 et les règlements de compte quasi quotidiens qui frappent les villes françaises en attestent. Ce constat s’observe aussi à l’échelon européen, comme le rappelle les assassinats d’un avocat et d’un témoin d’un procès par la mafia hollandaise. Elle avait été jusqu’à tenter l’enlèvement du Premier ministre néerlandais.

Ces mafias tentent constamment d’infiltrer les services de l’Etat et les diérents acteurs de la société civile, parfois avec succès.

Ce qui guette la France et les pays européens c’est le risque de voir ce phénomène criminel majeur de déstabilisation s’amplifier au fil des années, avec à la clé un risque important de basculement. Ce basculement entraînerait le pays vers une forme de sud-américanisation de la société. La France connaîtrait une multiplication des gangs armés, faisant pression sur des fonctionnaires de plus en plus stipendiés sur fond de crise socio-économique. Cela engendrerait une situation d’insécurité publique endémique, non plus centrée sur les zones géographiques qui nous échappent déjà.

L’Etat doit de toute urgence ouvrir un nouveau chapitre dans sa politique de sécurité nationale pour mener une guerre acharnée contre le narco-banditisme. Il lui faut davantage muscler ses moyens de détection, d’investigation et de neutralisation, à travers une politique pénale générale qui implique tous les acteurs, notamment la Police judiciaire, la DGSI, la DGSE et bien sûr les Douanes.

L’Etat doit donc fortement alourdir la répression pénale pour détruire les trafics et les organisations qui les entretiennent. Il doit impérativement reprendre en main la maîtrise de ses frontières métropolitaines et ultramarines en augmentant significativement les moyens de lutte maritime et routier. La frontière doit redevenir un rempart contre cette globalisation de la violence criminelle qui guette plus que jamais notre pays.


Sources

Le Figaro

ONUDC

RTBF

TF1

ARS de la Réunion