Le patron du 36 Quai des Orfèvres, Christian Sainte, appelle les policiers à ne pas exhiber leur arme “pour intimidation” ou de “manière préventive”.
Comment faire en sorte que le port d’arme des policiers hors service ne donne pas lieu à des dérives regrettables ? Depuis le début de l’état d’urgence, en novembre 2015, les policiers peuvent, s’ils le souhaitent, conserver leur arme en dehors de leur temps de travail. Une revendication de longue date de la part des syndicats, et notamment du Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP), qui considère que les fonctionnaires de police sont des cibles idéales pour les terroristes. La tuerie de Magnanville leur a donné raison.
Courant juin, le gouvernement a annoncé que la mesure serait prolongée après l’état d’urgence. Dans un article du 29 juin dernier, Le Point.fr expliquait que le port d’arme hors service n’avait en réalité que peu d’incidence dans la pratique. L’accès à de nombreux lieux recevant du public (supermarchés, salles de spectacle, cinémas, etc.) est de facto barré aux policiers par des agents de sécurité privés ou des portillons de sécurité. Impossible, donc, pour eux, d’y pénétrer. Des accords sont néanmoins possibles avec les propriétaires de ces établissements. Certaines villes, comme Paris, ont également donné pour consigne de laisser les agents des forces de l’ordre entrer armés et hors service dans les bâtiments publics (crèches, bibliothèques, musées, etc.).
Pas d’arme dans les boîtes à gants
Dans une note de service datée du 1er juillet 2016, et que Le Point.fr a pu consulter, Christian Sainte, le directeur régional de la police judiciaire (DRPJ) de Paris, encadre encore un peu plus la mesure. « Le port de l’arme de service est optionnel, écrit-il. Les policiers souhaitant bénéficier de ces dispositions doivent rédiger un rapport d’information à l’attention de leur chef de service. Ils doivent en outre être également en possession de leur brassard et avoir effectué au moins un tir réglementaire en 2016. »
Le port de l’arme hors service n’a de sens que si elle peut être dégainée instantanément et en toute sécurité. Aussi Christian Sainte précise-t-il : « L’arme doit être opérationnelle (cartouche chambrée), portée sur soi dans son étui et utilisable immédiatement. » Les transports de l’arme dans un sac, le coffre de sa voiture ou la boîte à gants sont ainsi interdits. Enfin, ultime recommandation : l’arme ne doit « pas être exhibée pour intimidation » ou « sortie de son étui systématiquement de manière préventive ». Bref, les policiers sont priés de ne pas jouer aux cow-boys.
Des règles strictes s’imposent également au policier qui souhaite garder son arme dans sa maison. Le SIG Sauer et les munitions doivent être conservés dans une mallette sécurisée et difficile d’accès, selon la note. Dans le cas de la tuerie de Magnanville, cela n’aurait donc rien changé. Peu de chances que Jean-Baptiste Salvaing ou Jessica Schneider aient eu le temps de se saisir de leur arme au moment de l’assaut de Larossi Abballa…
« Un frein mental sur le port d’arme »
Toutes ces conditions sont jugées trop drastiques par plusieurs commissaires. « C’est pathétique », s’emporte Thibaut de Montbrial, avocat et président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure (CRSI). « Nous avons, en France, un véritable frein mental sur le port d’arme, y compris pour les forces de l’ordre.» L’avocat ajoute : « C’est un manque de confiance. On veut dissuader les policiers de porter leur arme hors service alors même que la mesure avait été prise pour protéger les policiers et leur famille, pris pour cible. »
Du côté du 36, on affirme que la note de service de Christian Sainte n’est « en aucun cas un retour en arrière ». « C’est une note par anticipation en attendant que la Direction générale de la police nationale (DGPN) fixe un cadre global », explique une source policière. Un cadre qui a été fixé le 5 juillet en comité technique paritaire, fait savoir la DGPN. Conformément à la volonté du gouvernement, le port d’arme hors service des policiers va bel et bien être pérennisé après l’état d’urgence, qui doit prendre fin le 26 juillet. Les policiers devront-ils simplement informer leur chef de service, ou au contraire solliciter son autorisation pour garder leur arme ? « Il reviendra aux chefs de service de préciser les modalités du port de l’arme. C’est dans la cascade de directions que cela va se décider », précise une autre source policière. Au cas par cas, donc.