Retour sur les compétences de l’UE

Retour sur les compétences de l’UE
7 avril 2024 Olivier Debeney

Les compétences de l’Union européenne

L’immigration est devenue une compétence partagée entre l’Union européenne et ses États membres. La signature du Pacte européen en décembre 2023 l’illustre et rappelle l’importance prise par les institutions de l’UE (Commission européenne, Conseil européen, Conseil de l’Union européenne) dans de nombreux domaines dont l’immigration.


Généralités

Le droit européen s’immisce dans une multitude de domaines de la vie quotidienne des citoyens, des entreprises, des administrations et des associations au sein des États membres. Cette imbrication profonde affecte de manière significative le fonctionnement du système juridique et administratif de chaque pays. Les États membres doivent transposer les directives européennes en droit national, c’est-à-dire les adapter à leur propre système juridique. Pour que l’Union européenne puisse agir, elle doit cependant y être autorisée. Tout pouvoir qui lui est conféré est défini par des traités. Les trois textes majeures en la matière sont :

  • Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, signé à Rome (1957) [1]
  • Le traité sur l’Union européenne, signé à Maastricht (1992) [2]
  • Le traité de Lisbonne (2007) [3]

Le traité de Maastricht élargit les compétences de l’Union européenne (éducation, formation professionnelle, culture, santé publique, protection des  consommateurs,  réseaux  transeuropéens  et politique industrielle), met en place une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et lance les grands travaux d’une politique intérieures et de justice où les décisions se prennent à l’unanimité entre les différents pays de l’UE. Les domaines concernés sont les suivants :

  • Les frontières extérieures de la Communauté ;
  • Lutte contre le terrorisme, la criminalité, le trafic de drogue et la fraude internationale ;
  • Coopération en matière de justice pénale et civile ;
  • Création d’un Office européen de police (Europol) doté d’un système d’échange d’informations entre les polices nationales ;
  • Lutte contre l’immigration irrégulière ;
  • Politique commune d’asile.

Un transfert des compétences

L’Union européenne ne peut agir que dans les domaines où ses États membres lui ont donné le pouvoir de le faire, selon les traités européens. Ces traités définissent qui peut légiférer et dans quel domaine : l’UE, les États membres, ou les deux.

Selon trois grands principes

  • Le principe d’attribution : L’UE dispose uniquement des pouvoirs qui lui ont été conférés par les traités européens, ratifiés par tous les États membres ;
  • Le principe de proportionnalité : L’action de l’UE ne peut pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités ;
  • Le principe de subsidiarité : Dans les domaines où l’UE ou les États membres peuvent agir, l’UE ne peut intervenir que si son action est plus. [4]

Trois compétences

  • Les compétences exclusives : “Seule l’UE est habilitée à adopter des actes législatifs. Le rôle des États membres se limite à appliquer la législation, sauf si l’UE les autorise à adopter eux-mêmes certains actes.” [5] Elles sont définies par l’article 3 du traité sur le fonctionnement de l’UE
    • Union douanière
    • Etablissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur
    • Politique monétaire pour les États membres dont la monnaie est l’euro
    • Conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche
    • Politique commerciale commune
    • Conclusion d’un accord international (sous conditions)
  • Les compétences partagées : “Les États membres ne peuvent agir que si l’UE a décidé de ne pas le faire ou si elle n’a pas encore proposé de législation.” [6]
    • Marché unique
    • Emploi et affaires sociales
    • Cohésion économique, sociale et territoriale
    • Agriculture
    • Pêche
    • Environnement
    • Protection des consommateurs
    • Transports
    • Réseaux transeuropéens
    • Energie
    • Justice et les droits fondamentaux
    • Migration et les affaires intérieures
    • Santé publique (cf a.168 TFUE)
    • Recherche et l’espace
    • Coopération au développement et l’aide
  • Les compétences d’appui : Les États membres légifèrent, l’UE apporte son aide (soutenir, coordonner ou compléter l’action des États).
    • Coordination des politiques économiques et de l’emploi
    • Définition et la mise en œuvre de la politique étrangère et de sécurité commune
    • Clause de fiexibilité”, qui, dans des conditions strictes, permet à l’UE d’intervenir en dehors de ses domaines normaux de responsabilité

En matière migratoire

La politique migratoire de l’Union européenne est un domaine complexe et en constante évolution, marqué par un partage des compétences entre l’UE et ses États membres.

L’Union européenne intervient dans les domaines suivants :

  • L’Adoption de la législation en matière d’asile et de migration : le Parlement européen et le Conseil de l’UE adoptent conjointement la législation relative à l’asile, aux visas, aux frontières et aux droits des migrants. Ils définissent les conditions d’entrée et de séjour des immigrants légaux (le Pacte européen en est un bon exemple).
  • La coordination des politiques nationales : l’UE encourage la coordination des politiques migratoires des États membres et veille à la cohérence de ces politiques avec le droit de l’UE.
  • Le financement des politiques migratoires : l’UE cofinance des projets et programmes en matière de migration dans les États membres et dans les pays.
  • La coopération avec les pays tiers : l’UE négocie des accords avec des pays tiers sur la migration et le développement (la PESC prend alors le relais). Les États membres conservent pour leur part les compétences suivantes en matière de migration :
    • La mise en œuvre de la législation européenne : les États membres sont responsables de la transposition et de l’application de la législation européenne en matière d’asile et de migration.
    • La gestion des frontières nationales : les États membres contrôlent leurs propres frontières et peuvent décider de mettre en place des contrôles aux frontières intérieures en cas de circonstances
    • Les décisions d’admission et d’expulsion : les États membres sont responsables de l’examen des demandes d’asile et de l’octroi de permis de séjour.
    • Ils peuvent également décider d’expulser les migrants en situation irrégulière.

Ce partage des compétences sur un sujet aussi important que celui de l’immigration, en raison des enjeux qu’il représente – souveraineté des États sur des compétences régaliennes, sécurité intérieure, enjeux humains et sociaux-économiques, notions de solidarité – entraîne un certain nombre de difficultés tant fonctionnelles que politiques. En premier lieu, les gouvernements des pays de la zone UE n’ont pas tous la même approche en la matière et ont parfois des considérations bien différentes ; c’est notamment le cas de la Hongrie régulièrement mise en exergue dans les médias. Par ailleurs, les États membres peuvent parfois avoir des interprétations différentes de la législation européenne et appliquer les textes différemment les uns des autres.

Le Pacte européen a été signé, en autres, pour lutter contre ce manque de coordination entre les politiques nationales (interprétation, application et logistique commune – avoir les mêmes modes opératoires aux moments opportuns, les États membres ont souvent tendance à agir tel un corps désarticulé et sans cohérence).

D’une manière plus générale, il existe encore une forte difficulté à trouver des solutions communes aux problèmes migratoires ; à trouver une solution tout court.

 


Sources

[1] Parlement européen

[2] Parlement européen

[3] Parlement européen

[4] Commission européenne

[5] Commission européenne

[6] Toute l’Europe, 18/11/2021