Dans un contexte de tensions électorales, de dégradation sécuritaire et d’augmentation des tensions internationales, les yeux seront, cet été, braqués sur la France, et les défis à relever seront nombreux. Pour faire face, les armées seront largement mises à contribution. Tour d’horizon des défis et des enjeux de leur mobilisation.
Une mobilisation multi-dimensionnelle
L’armée de Terre
Pour contribuer à la mise en place d’une capacité de dissuasion et de réaction efficace, et soutenir l’action des forces de sécurité intérieure (FSI) déjà largement mobilisés, le chef d’état-major de l’Armée de Terre (CEMAT) a annoncé la mobilisation de près de 20.000 militaires (dont 3.000 aviateurs) sur la période des Jeux Olympiques.
En réalité, aucune indication n’a été fournie sur la ventilation du personnel sur l’ensemble de l’évènement, sur la répartition géographique des eectifs et sur l’étendue des compétences mises à contribution. Autre point, le rôle des réservistes – et notamment du bataillon de réserve d’Île-de-France (24ème Régiment d’Infanterie) – n’est pas précisément déterminé. Ce dernier devrait bénéficier d’un rôle important au sein du dispositif parisien, sans que des éléments clairs n’aient été fournis.
La région parisienne sera découpée en quatre zones d’action (non indiquées) dont chacune sera aux ordres d’un état-major tactique.
La brigade olympique, spécialement constituée pour la sécurité des JO, sera commandée par la 27ème brigade d’infanterie de montagne. Cette brigade assurera le volet terrestre en Ile-de-France, dans la région de Marseille et celle de Nice.
La Marine nationale
Les moyens de la Marine nationale et la Gendarmerie maritime ont été et seront conjointement mis à contribution pour assurer la protection du parcours de la flamme olympique et des épreuves nautiques. Les épreuves de voile à Marseille mobiliseront près de 300 personnes par jour, avec notamment l’appui, en soutien, du Bataillon de marins-pompiers de Marseille
L’armée de l’Air et de l’Espace (AAE)
Déjà mise à contribution lors de la Coupe du monde de Rugby 2023, l’AAE aura pour tâche de mettre en œuvre des “bulles de protection” autour des épreuves et des sites sensibles et de garantir une surveillance de basse altitude contre la menace très redoutée des mini-drones. En ce sens, en 2023 et 2024, deux exercices de lutte anti-drone (Coubertin LAD 1 et 2) ont permis de tester et d’évaluer la préparation des forces en vue de l’échéance olympique. En eet, l’AAE sera chargée de la coordination interministérielle des dispositifs de lutte anti-drone.
Malgré ce point d’attention, un rapport sénatorial classé secret-défense a alerté sur des lacunes dans la lutte anti-drone française en particulier sur le système Parade mis en place par Thalès.
Un dispositif particulier de sûreté aérienne (DPSA) sur-mesure est mis en place pour l’occasion sur Paris et Marseille.
Les capacités spécifiques
Parmi les capacités spécifiques, on notera la cynotechnie et les éléments NRBC (Nucléaire-Radiologique-Bactériologique-Chi mique).
Les équipes cynotechniques sont indispensables dans la détection d’explosifs mais peuvent aussi permettre de neutraliser une menace humaine. La majorité des eectifs proviendront du 132ème régiment d’infanterie cynotechnique.
Pour le NRBC, les armées interviennent en soutien du détachement central interministériel d’intervention technique (DCI-IT) afin de “blanchir” les sites de compétition mais aussi pour décontaminer en cas d’alerte.
Focus : le statut de “volontaire découverte”
Pour permettre la réalisation de certaines missions, le ministère des Armées a mis en plus le statut de “volontaire découverte”, qui permet de recruter, à l’issue d’une formation militaire initiale, de jeunes majeurs seront incorporés au sein d’une unité opérationnelle pour 4 mois.
Ce statut concernera une centaine de jeunes, et permettra concrètement de participer à la sécurisation de sites militaires, à des cérémonies ocielles mais aussi, sans que cela soit encore définitivement tranché, au dispositif Sentinelle.
Ce format d’engagement, qui pourra se transformer en engagement dans la réserve opérationnelle ou dans l’active à l’issue, reprend une proposition du CEMAT de 2022, qui consistait à recruter 10.000 jeunes par an dans le cadre d’un contrat de 6 mois.
Bien qu’intéressants d’un point de vue communicationnel, ces engagements de très courte durée interrogent sur le niveau d’intégration des personnels, sur l’assimilation des attendus, sur la capacité à encaisser le stress d’un déploiement après une formation courte et récente. Reste à voir s’ils permettront d’attirer de nouveaux éléments pour remédier aux dicultés de recrutement.
Une palette de missions
Le CEMAT a indiqué qu’ “une partie (des militaires) sera mobilisée pour la protection, au sens large, des Jeux Olympiques, en accompagnement des forces de sécurité intérieure”, avec des missions Sentinelle “de contrôle général des espaces ou pour un certain nombre de mesures ou de missions spécifiques”. Parmi ces missions, on pense eectivement à l’accueil et l’accompagnement de la flamme sur le territoire français, les célébrations du 14 juillet, qui tombent quelques jours avant le début des épreuves olympiques. On pense aussi bien entendu à la protection des épreuves en outre-mer et au large de Marseille par les eectifs de la Marine Nationale.
De fortes contraintes logistiques
Le secteur francilien étant celui qui verra la plus forte concentration de militaires, la problématique du logement est apparue assez vite. Si des aménagements ont été prévus au sein des casernes à l’extérieur de Paris, ces dernières, d’une part, n’existent plus intra-muros, et d’autre part, restent largement insusantes. Pour parvenir à une augmentation des capacités d’accueil, un camp militaire permettant de loger 5.000 militaires, sous tentes, est en cours d’installation sur la pelouse de Reuilly. L’armée de l’air est aussi confrontée à ce type de dicultés, avec la nécessité de monter un camp d’une capacité de plusieurs centaines d’individus sur la Base aérienne 107 (Vélizy-Villacoublay, Yvelines) pour sécuriser l’espace aérien (notamment dans la lutte anti-drone).
Une dimension internationale
Rendant compte à la fois d’une dimension diplomatique et opérationnelle, la France recevra le soutien de partenaires étrangers en matière d’eectifs policiers et militaires, mais aussi dans le domaine du renseignement. La communication est faible sur les pays contributeurs et la nature de ces renforts. Le vice-président du Conseil des ministres polonais, Wladyslaw Kosiniak-Kamysz, a indiqué que son pays participera à la “coalition internationale” mise en place par la France. Cette terminologie, qui a mis dans l’embarras les responsables politiques et diplomatiques français, semble un peu démesurée pour qualifier des renforts relativement sporadiques de la part de partenaires européens, ou extra-européens dans le cadre d’accords bilatéraux.
Le chiffre de 2.185 (policiers et militaires) a été avancé, sans qu’il soit possible de les répartir. Pour reprendre l’exemple de la Pologne, seul partenaire ayant fait état de sa contribution, 13 équipages cynophiles et une quarantaine de policiers ont été annoncés. L’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie et la Belgique ont répondu à l’appel, mais c’est en tout 46 États qui ont été sollicités.
Cette démarche s’ancre dans un processus de coopération classique, quoi qu’aux dimensions importantes, à la mesure de l’événement et des risques qui l’entourent. En 2023, 160 forces de sécurité européennes avaient été déployées pour la Coupe du monde de Rugby. En 2022, ce sont 3 détachements, dont un dédié à la lutte anti-drone, qui ont appuyé la sécurisation de la Coupe du monde de football au Qatar.