Le drame survenu à Mougins le 26 août 2024, où un gendarme a perdu la vie à la suite d’un homicide consécutif à un refus d’obtempérer, met en lumière l’ampleur et la gravité de ce phénomène. Cette infraction, qui consiste à ne pas se soumettre aux injonctions d’un agent des forces de l’ordre sur la route, peut avoir de lourdes conséquences. Au-delà des cas particuliers, cet acte pose des questions fondamentales : refus de l’autorité de l’État, montée de l’insécurité, réponse pénale, responsabilité individuelle, etc.
Actualité
Le lundi 26 août a été marquée par la mort dramatique de l’adjudant Éric Comyn à Mougins (gendarme de 54 ans) en raison d’un refus d’obtempérer.
Récemment, un policier municipal s’est retrouvé dans le coma après avoir pris en chasse un véhicule ayant grillé un feu rouge à Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne) le mardi 27 août.
Le rappeur Zola a été placé en garde à vue pour refus d’obtempérer le jeudi 29 août. Il a pris la fuite à vive allure sous l’emprise de stupéfiants. Il circulait les feux éteints à plus de 200 km/h.
Deux autres policiers municipaux ont été percutés par un chauffard refusant de s’arrêter le vendredi 30 août à Toulouse. Le conducteur avait consommé du protoxyde d’azote au moment des faits.
Dans la nuit du samedi 31 août, les policiers de la BAC ont ouvert le feu sur un chauffard refusant d’obtempérer, après que ce dernier leur a foncé dessus
Un piéton a été grièvement blessé lors d’un refus d’obtempérer à Paris le dimanche 1er septembre, alors que le conducteur tentait de prendre la fuite. Le chauffeur a été interpellé après avoir percuté un immeuble.
Lundi 2 septembre à Fréthun (Pas-de-Calais), un chauffeur est mort après avoir percuté un pylône électrique à la suite d’un refus d’obtempérer et une course-poursuite avec la Gendarmerie.
Un chauffeur a blessé un policier et un gendarme lors d’une course-poursuite à la suite d’un refus d’obtempérer le mardi 3 septembre à Paris.
Le même jour à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône) dans la soirée, un chauffeur a percuté une voiture de police et blessé deux policiers dans sa fuite après avoir refusé d’obtempérer.
Le jeudi 6 septembre à Cannes, deux policiers ont été légèrement blessés lors d’un refus d’obtempérer. Le conducteur, âgé de 16 ans, était sous l’emprise de stupéfiants.
Un chauffeur de 28 ans, roulant sans phares et sans ceinture a percuté un tramway alors qu’il fuyait après un refus d’obtempérer. L’événement a eu lieu à Mulhouse le samedi 7 septembre (Haut-Rhin).
Dans la nuit du samedi au dimanche 8 septembre à Beure (Doubs), un conducteur a refusé d’obtempérer et a ensuite percuté une autre voiture. Quatre personnes ont été blessées.
Dans la même nuit à Clermont-Ferrand, un homme à scooter a refusé d’obtempérer et a traîné un policier sur cinquante mètres.
Il y a eu 23.100 refus d’obtempérer en 2023.
Définition
“Le fait, pour tout conducteur, d’omettre d’obtempérer à une sommation de s’arrêter émanant d’un fonctionnaire ou d’un agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents
de sa qualité est puni de deux ans d’emprisonnement et de
15.000 euros d’amende.”
Le refus d’obtempérer est à distinguer du délit de fuite (s’enfuir après avoir causé un accident).
Peines encourues
Le refus d’obtempérer est un délit pénal puni de deux ans d’emprisonnement et de 15.000€ d’amende, ainsi que des peines complémentaires suivantes :
- Suspension du permis de conduire pour une durée ne pouvant excéder trois ans;
- Peine de travail d’intérêt général;
- Peine de jours-amende;
- Annulation du permis de conduire;
- Confiscation du véhicule utilisé lors de l’infraction ou de l’un ou plusieurs véhicules appartenant au condamné;
- Obligation pour le condamné d’accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière.
Enfin, l’immobilisation du véhicule peut être prescrite et six points du permis de conduire peuvent être enlevés.
Circonstances aggravantes
Lorsque les circonstances du refus d’obtempérer exposent autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à amener une mutilation ou une infirmité permanente, les sanctions sont encore plus lourdes :
- 5 ans d’emprisonnement;
- 75.000€ euros d’amende;
- Suspension automatique du permis de conduire sans durée maximale précisée.
Lorsque ces circonstances concernent une personne dépositaire de l’autorité publique, les peines sont portées à :
- 7 ans d’emprisonnement;
- 100.000€ d’amende.
Distinction entre le refus d’obtempérer et les atteintes involontaires ou volontaires à la personne
Les atteintes involontaires ou volontaires à la personne sont à distinguer du refus d’obtempérer qui les précède.
Les infractions retenues peuvent être multiples et dépendent des circonstances exactes des faits qui suivent le refus d’obtempérer : homicide volontaire ou tentative d’homicide, qui sont des crimes, homicide involontaire (délit), coups et blessures à la personne (délit), conduite en état alcoolique ou sous l’emprise de stupéfiants, conduite sans permis, etc.
Les peines encourues peuvent alors être très élevées: emprisonnement pouvant aller jusqu’à la perpétuité, lourde amende, révocation du permis de conduire pouvant être à vie, etc.
Quel usage des armes à feu pour les forces de l’ordre ?
En cas de refus d’obtempérer, l’usage des armes par les forces de l’ordre n’est possible que lorsqu’elles estiment que ce refus d’obtempérer expose leur vie ou celle d’autrui à un danger immédiat. Cet usage est strictement encadré par l’article L435-1 du Code de la sécurité intérieure.
“Dans l’exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité, les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent, outre les cas mentionnés à l’article L. 211-9, faire usage de leurs armes en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée :
4° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique
ou à celles d’autrui.
Données du ministère de l’Intérieur
Sur la période 2016 – 2023, les forces de sécurité intérieure ont constaté 25.700 délits de refus d’obtempérer routiers en moyenne par an. Ces derniers ont légèrement diminué sur la période (-5 %), avec une hausse entre 2016 et 2021, suivie d’une baisse de 2021 à 2023.
1 sur 5 des refus d’obtempérer routier est un délit aggravé9 fois sur 10, il met en danger d’autres usagers de la route. La part de ces délits aggravés est passée de 16 % en 2016 à 21 % en 2023. |
Rapportés à la population potentiellement concernée, ces refus d’obtempérer ne sont pas plus fréquents dans les grandes agglomérations urbaines que dans les petites.
En zone police (moitié des infractions enregistrées), 97 % des refus d’obtempérer sont commis par des hommes et 75 % des personnes mises en cause sont âgées de moins de 30 ans.