FIGAROVOX/ANALYSE – Un parti musulman présentera des candidats aux élections départementales dans huit cantons. Le décrypatage du Président du Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure (CRSI).
Alors que la récente Union des démocrates musulmans, qui veut promouvoir le halal et autoriser le voile à l’école, annonce qu’elle devrait présenter des candidats dans quelques cantons, Manuel Valls veut des mesures pour empêcher le financement de l’islam de France par «un certain nombre de pays étrangers».
Quel est approximativement le montant de ce financement ? Peut-on parler d’une véritable ingérence ?
Thibault de Montbrial : Il est aujourd’hui notoire qu’un flux financier important venu de l’étranger finance certaines mosquées et associations musulmanes. Pour autant, il est par définition impossible d’en connaître le montant ainsi que la provenance exacte, même si l’on pense spontanément à des pays du Golfe et à d’autres du Maghreb. Bien que l’extranéité de ces fonds pose en soi un certain nombre de questions, il ne s’agit d’ingérence au sens formel que dans le cas où ces financements servent à des projets associatifs et/ou religieux qui viennent au soutien du prosélytisme de mouvances qui revendiquent des comportements contraires aux lois de la République.
À cet égard, la création de l’Union des démocrates musulmans est extrêmement inquiétante. Voilà en effet un parti qui assume sa construction sur une ligne communautariste et la revendication de comportements manifestement propres à une pratique prosélyte de l’islam, si l’on en croit ses premières communications.
Or il existe aujourd’hui d’extrêmes tensions entre les communautés, qui puisent leurs racines dans un communautarisme galopant depuis plusieurs années et ont contribué à faire éclore une génération de jeunes français qui font aujourd’hui la guerre à la France au nom d’une vision radicale de l’islam.
Ce constat très alarmant doit conduire d’urgence les théologiens musulmans français à développer une interprétation moderne et éclairée de leur religion, en harmonie avec les règles de vie républicaine.
En clair, la création de ce parti constitue un grand pas dans une direction extrêmement dangereuse.
Ces financements servent-ils simplement à construire des mosquées ou cachent-ils des visées politiques?
Le financement d’un parti politique par des fonds étrangers est strictement interdit en France. Aucun candidat à une élection quelle qu’elle soit ne peut recevoir directement ou indirectement des contributions ou aides matérielles d’un Etat étranger ou d’une personne morale de droit étranger (art. L. 52-8 du Code électoral). Si l’Union des démocrates musulmans acceptait de tels fonds, il s’exposerait donc à ce que son candidat tête de liste soit condamné pénalement à 3.750 euros d’amende et/ou un an de prison (art. L. 113-1 du Code électoral).
S’agissant plus largement des financements étrangers de certaines mosquées ou des associations fondamentalistes, leur visée est par essence politique puisque ces mouvances de l’islam ne distinguent pas entre ce qui relève du spirituel et du séculier.
Le salafisme se développe en France. Selon les sources, il compte environ 15 à 20.000 adeptes. Les mouvances radicales de l’islam sont désormais présentes au-delà des quartiers. Certaines communautés s’installent en effet à la campagne…
Certains financements alimentent-ils des filières terroristes?
À ma connaissance, il n’a pas été rapporté à ce jour la preuve judiciaire du financement direct par l’étranger de filières terroristes sur le territoire français.
Il va néanmoins de soi qu’un volet financier concerne chacune des enquêtes actuelles relatives aux filières terroristes.
Manuel Valls a déclaré «il faut combattre le discours des Frères musulmans dans notre pays, il faut combattre les groupes salafistes dans les quartiers». Dans quelles mesures ces groupes sont-ils implantés en France ?
Le salafisme se développe en France. Selon les sources, il compte environ 15 à 20.000 adeptes. Les mouvances radicales de l’islam sont désormais présentes au-delà des quartiers. Certaines communautés s’installent en effet à la campagne, comme l’a remarquablement illustré l’émission «Secrets d’info» diffusée le 23 janvier 2015 sur France Inter.
Aujourd’hui, quasiment tous les départements français sont touchés, ce qui n’était pas le cas il y a encore un an.
On ne peut que constater qu’aucune voix ne fait autorité aujourd’hui en France pour parler au nom de nos compatriotes musulmans.
Avec le recul, le CFCM a-t-il été un échec?
Aucune instance ne dispose aujourd’hui d’une légitimité incontestable pour représenter les musulmans de France, tant il existe de mouvances différentes.
Je participais mercredi dernier, aux côtés notamment du recteur de la mosquée d’Evry et de l’imam de Drancy, à un débat organisé par la LICRA de Paris au cours duquel ces questions ont été abordées. Les débats ont été vifs entre les intervenants et des imams présents dans la salle sur la question de la représentativité du CFCM.
On ne peut que constater qu’aucune voix ne fait autorité aujourd’hui en France pour parler au nom de nos compatriotes musulmans.
Nicolas Sarkozy a émis l’idée d’une révision de loi de 1905 dans l’objectif de créer un concordat entre la république et l’islam de France. Que cela vous inspire-t-il ?
Cette idée a été avancée par Gérald Darmanin, député du Nord. Elle n’est pas mauvaise mais suppose un certain nombre d’avancées préalables.
Le terme «concordat» en lui même (emprunté à l’Eglise catholique), signifie «accord passé entre le Saint-Siège et un Etat particulier». L’appliquer à l’islam supposerait par analogie un interlocuteur unique disposant d’une légitimité indiscutable pour représenter les musulmans de France.
Pour que ce soit possible, il faut dans un premier temps que des voix musulmanes incontestables appellent à une interprétation moderniste et séculière des textes fondamentaux de cette religion, car cela n’aurait pas de sens de discuter avec des partisans d’un islam politisé dont les valeurs me semblent incompatibles avec celles de notre pays.
Afin d’envisager un dialogue constructif, il faudrait donc a minima que l’islam de France s’organise, se structure, et que les dérives extrémistes puissent être clairement censurées hors toute ambiguïté.