Une semaine après les attentats de Paris, l’avocat Thibault de Montbrial estime que des solutions auraient dû être trouvées depuis janvier ; pour lui, le règlement du problème que pose l’islam radical prendra des années.
LE FIGARO. – Dans votre livre Le sursaut ou le chaos, paru en juin dernier, vous écriviez, après les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015: «La France est en guerre. Face au terrorisme, nous devons entrer dans une ère nouvelle.» Ce constat, le Président de la République l’a fait sien vendredi 13 novembre, juste après les attentats qui se sont produits à Saint-Denis et à Paris. La réaction de l’exécutif a-t-elle été appropriée? Du temps a-t-il été perdu en matière de prévention des attentats et de répression des délits ?
Thibault DE MONTBRIAL. – La réaction de l’exécutif a effectivement été, enfin, à la mesure de la gravité des attaques menées contre la France. Il est toutefois permis de regretter que les mesures adoptées (état d’urgence) ou initiées (renforcement des moyens humains et matériels des forces de sécurité) n’aient pas été aussi massivement mises en œuvre dès le lendemain des attaques de janvier 2015.
En effet, notre pays n’est pas exposé à un risque terroriste ponctuel, mais à une dynamique de long terme. Or celle-ci était déjà identifiée dès l’automne 2014 comme en témoignent les déclarations de différends ministres à l’époque. Il était donc inéluctable que cette dynamique aboutisse à de nombreuses et graves attaques sur notre territoire. Dès lors, non seulement les attaques de janvier n’ont en rien surpris les spécialistes, mais encore savaient-ils tous qu’il ne s’agissait que d’un début. De fait, les différentes tentatives de Villejuif (attaques contre des églises, avril 2015), Saint-Quentin Fallavier (attaque contre un site Seveso, juin 2015) ou du Thalys (attaque contre un train, août 2015) ont-elles conforté cette analyse, seule une combinaison d’héroïsme des uns et de maladresse des autres ayant permis d’éviter les carnages visés par les auteurs de ces actes.
L’attaque du 13 novembre 2015 s’inscrit hélas dans la suite de cette dynamique, ce qui permet d’ailleurs d’affirmer qu’elle ne sera évidemment pas la dernière.
Pour en revenir à votre question, l’identification préalable de cette dynamique de terreur générée depuis la Syrie et exécutée par de jeunes Français radicalisés et entrés en guerre contre leur propre pays, aurait dû conduire à la mise en œuvre de l’état d’urgence et des mesures subséquentes dès le mois de janvier 2015.
L’autre regret que l’on peut avoir est qu’une fois de plus le Président Hollande n’ait pas été capable de nommer précisément l’ennemi. Le terrorisme est un moyen, mais l’ennemi il faut le dire et le répéter, c’est l’islamisme radical.
Les services de renseignement et les services de sécurité, police, justice sont-ils correctement coordonnés?
La logique de l’antiterrorisme est que 99 succès, inconnus du public, seront balayés par un échec sanglant. Il faut d’abord rappeler que notre appareil de sécurité s’est trouvé brutalement confronté à une augmentation spectaculaire de la radicalisation islamiste. Le nombre des intéressés (quelques dizaines) était resté stable pendant plusieurs décennies, mais il a soudain augmenté de façon exponentielle avec les départs de plus en plus massifs au Jihad dans le cadre de la guerre en Syrie à partir du tournant 2012-2013.
Or, si des moyens humains et matériels supplémentaires ont été engagés par le gouvernement, il n’a évidemment pas été possible de maintenir le ratio entre le nombre d’agents disponibles et le nombre de «cibles» à surveiller , puisque celui-ci a été multiplié par plus de cent.
Ce constat étant posé, les événements des derniers mois démontrent évidemment la nécessité de toujours mieux coordonner les échanges entre les différents services, et à casser les logiques de chapelles résiduelles.
Sur le plan judiciaire, comme le rappelle régulièrement le juge Trévidic, il faudrait augmenter le nombre d’enquêteurs compte-tenu de la multiplication de l’ouverture de dossiers au Pôle Antiterroriste. Les sous-effectifs policiers ralentissent considérablement les enquêtes.
Dans cette logique, si l’annonce récente du recrutement de plusieurs magistrats antiterroristes est une bonne chose, il faudrait l’assortir de l’augmentation des effectifs de police judiciaire disponibles pour travailler sous leur direction.
Il faudrait également réfléchir à une décentralisation partielle de la lutte antiterroriste judiciaire ; les procureurs en poste dans certains départements où la radicalisation prolifère, en particulier dans le Sud, soulignent à juste titre que les services policiers et judiciaires locaux sont souvent les mieux placés pour enquêter sur des individus qui sont nés et ont grandi dans leur ressort. Cette décentralisation partielle de la lutte antiterroriste me paraît être une piste importante à suivre à l’avenir.
Il faut enfin ne pas oublier l’importance de la dimension européenne. Nous avons abandonné depuis longtemps les frontières intérieures au profit de l’unique frontière Schengen. Cet abandon n’a cependant pas été assorti de l’indispensable unification et coordination entre les services des différends pays concernés, ce qui a conduit de facto à un considérable affaiblissement des capacités de surveillance et de suivi des individus dangereux au sein de l’Union Européenne.
Il y a à cet égard une faillite politique (qu’illustre notamment l’absence récurrente d’un PNR Européen pourtant attendu depuis longtemps) dont il est incompréhensible qu’elle n’ait pas été, au moins en partie, comblée depuis le mois de janvier 2015, et qui pourrait à court terme coûter bien cher, non seulement à la France, mais également à de nombreux autres pays européens.
Il y a environ 10 000 personnes fichées S (pour Sûreté de l’État) en France, dont 5 000 pour islamisme radical. Le suivi des fichés S est-il aujourd’hui suffisant? Sinon, comment le renforcer?
Il faut rappeler que la fiche S est une catégorie du FPR (Fichier des Personnes Recherchées). Elle concerne donc des individus dont la dangerosité a été signalée aux services de renseignement, mais qui dans leur immense majorité ne sont pas «logés», c’est-à-dire que l’on ignore où ils sont. La fiche S permet d’identifier les individus s’ils sont contrôlés à une frontière Schengen, ou encore lors d’un contrôle routier ou d’un contrôle d’identité dans les transports en communs par exemple.
Ce n’est que dans un deuxième temps, une fois que l’on a établi où se trouvaient les intéressés, que la question de leur surveillance se pose. Or, aujourd’hui, les moyens humains et matériels des services de renseignement ne sont pas suffisants au regard de l’augmentation exponentielle du nombre de personnes dangereuses constaté ces trois dernières années. En pratique, si les personnes les plus dangereuses peuvent l’objet d’une surveillance permanente, qui mobilise 20 à 25 fonctionnaires et d’importants moyens matériels, la plupart sont l’objet de surveillance par sondage: les services s’intéressent à chacun pendant quelques temps, et si la «cible» ne montre aucun signe de dangerosité imminente, le dispositif est alors redéployé vers un autre et ainsi de suite. Cela explique qu’un individu qui a été surveillé sans résultat particulier, puisse passer à l’acte quelques mois plus tard alors que sa surveillance a cessé entre-temps.
Quelles ont été les conséquences de la réforme pénale adoptée par le Parlement le 17 juillet 2014 sur les condamnés et sur les conditions de leur incarcération?
La loi du 17 juillet 2014 a supprimé les peines plancher et instauré la contrainte pénale. S’il est trop tôt pour en tirer un bilan exhaustif, il faut souligner que le message de laxisme ainsi proclamé semble avoir été reçu cinq sur cinq compte-tenu de la hausse générale des chiffres de la délinquance constatée en cette fin d’année 2015.
Pour ce qui est plus précisément des questions de radicalisation, les lacunes du système judiciaire se concentrent sur la question de l’exécution des peines. Plusieurs individus radicalisés et condamnés ont bénéficié de permissions de sorties dont ils ont profité pour s’évader. Cette préoccupante répétition illustre l’absolue nécessité d’apporter aux Juges de l’Application des Peines une formation spécifique en matière de radicalisation, afin qu’ils puissent disposer des outils pour apprécier la dangerosité des individus, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas.
Vous rappeliez en juin 2015 que, en janvier dernier, le Premier ministre évaluait à 3000 le nombre de Français combattants potentiels, sur notre propre territoire. Cette estimation a-t-elle évolué?
Ce chiffre de 3000 combattants potentiels a été cité par Manuel Valls lors de son discours du 13 janvier 2015 à l’Assemblée Nationale. Une petite année est passée, et les professionnels du renseignement civil et militaire, estiment selon les sources que ce chiffre est susceptible d’avoir un peu augmenté, mais dans des proportions qui sont extrêmement difficiles à évaluer précisément. Il faut à cet égard souligner que ne sont pas seulement concernés les individus partis se former en Syrie ou en Irak, mais également de nombreux islamistes radicaux qui se sont formés sur le territoire national au maniement d’armes de guerre assez simples d’utilisation: il est inutile de passer deux mois dans un camp militaire pour apprendre le maniement d’une kalachnikov et les rudiments tactiques permettant de l’utiliser pendant une demi-heure dans les rues d’une ville française.
A ce chiffre des combattants potentiels, il est cependant essentiel d’ajouter le nombre des sympathisants, qui constituent un deuxième cercle susceptible de leur apporter un soutien logistique. Les événements survenus ce jeudi 19 novembre au matin à Saint-Denis illustrent à cet égard que des solidarités se créent bien au-delà des réseaux terroristes proprement dit. Selon la plupart des estimations, il existe sur notre territoire plusieurs dizaines de milliers de personnes, qui sans être activement impliquées dans la préparation d’attentats, sont ou seraient prêtes à apporter leur soutien logistique à des individus de passage sans se poser de questions sur les projets de ceux-ci.
Les solutions proposées par le gouvernement pour lutter contre la radicalisation et pallier les risques d’attentats seront-elles suffisantes?
Le déclenchement de l’état d’urgence a permis la mise en œuvre de mesures opérationnelles qui étaient indispensables. Je pense en particulier aux centaines de perquisitions qui ont été engagées depuis lundi matin, et qui ont notamment permis de récupérer un nombre significatif d’armes et de munitions, même s’il ne s’agit manifestement que d’une petite partie du matériel considérable stocké sur notre territoire.
Il faut cependant conserver à l’esprit que la situation que connaît notre pays ne pourra se régler que sur le long terme. À cet égard, il me semble que deux grands types de mesures sont indispensables.
Sur le plan de la sécurité, il faut que chacun comprenne que la France est engagée dans un défi de long terme, et que le logiciel d’analyse doit évoluer.
L’armement permanent des policiers même hors service est une mesure que je réclamais depuis plus d’un an, à laquelle les syndicats de police ont adhéré après les attaques de janvier. Il est désormais urgent de l’étendre à l’ensemble des personnes habilitées à porter une arme à titre professionnel (gendarmes, douaniers et autres).
Le but est de permettre une riposte aussi rapide que possible lors d’une fusillade, l’expérience ayant largement démontré que plus longue à venir est la riposte, plus le nombre de victimes augmente. Il s’agit donc d’une mesure de pur bon sens.
Mais il faut aller plus loin.
Le général de Villiers, Chef d’État-Major des Armées, a expliqué au Sénat en mai combien la mobilisation de ses troupes dans le cadre de l’opération Sentinelle avait empiété sur les missions traditionnelles de l’armée. Les syndicats de policiers ont expliqué cet été à Bernard Cazeneuve leur usure depuis le mois de janvier. Il est donc grand temps de dégager les forces de l’ordre et l’armée de certaines tâches de surveillance de sites fixes, et de déléguer cette responsabilité à des sociétés privées spécialement agréés par l’État pour armer leurs personnels (anciens militaires ou policiers par exemple). Ainsi, plusieurs milliers de militaires, gendarmes et policiers pourraient être réaffectés à d’autres tâches, plus en rapport avec leur formation et leurs missions traditionnelles. Dans cette même logique, certaines personnalités civiles exposées pourraient être protégées par des gardes-du-corps privés bénéficiant également d’un agrément pour être armés.
Sur le plan politique ensuite, il faut assumer un combat sans faiblesse contre la radicalisation. Cela implique un préalable incontournable: accepter de dire l’évidence factuelle selon laquelle l’islam radical est lié à l’islam.
Récoltant les fruits des lâchetés et des renoncements des quarante dernières années, notre tissu social est aujourd’hui mité par un communautarisme qui a fait le lit de cette radicalisation d’une partie de notre jeunesse. Il est donc impératif de travailler à reconquérir ceux qui ont quitté le giron de la nation.
À cet égard, la coopération avec les élites musulmanes est absolument indispensable. Il faut que l’ensemble des musulmans quitte l’ambiguïté résiduelle dans laquelle certains baignent encore. Pas seulement en dénonçant le terrorisme, ce qui et une évidence globalement partagée. Car il faut aller plus loin: les intellectuels, mais aussi les artistes ou les sportifs doivent clamer haut et fort que le fait religieux ne peut relever que de la sphère privée, et en aucun cas déborder sur les règles de vie commune, que ce soit en entreprise ou en société au sens le plus large. L’Islam de France doit une fois pour toute accepter que soit scindé ce qui relève d’une part du spirituel, donc de la vie privée, et d’autre part du temporel, c’est-à-dire de l’organisation de la vie de la citée, qui est du ressort des seules lois de la République.
Or il n’existe pas de clergé musulman. Les dissensions au sein des différences obédiences de cette religion sont criardes. Le CFCM n’a même pas réussi à imposer que soit lu un texte commun aujourd’hui dans les mosquées françaises pour condamner les attentats du 13 novembre dernier! Les influences sont multiples et parfois antagonistes, entre les lieux financés par telle ou telle mouvance ou État. Cette situation n’est plus tenable. Pour permettre l’émergence d’un Islam des Lumières, il ne faut reculer devant aucun tabou, y compris la possibilité d’abandonner pour un temps la loi de 1905 afin d’organiser cette représentativité de l’Islam de France en dehors des influences étrangères dont ont connaît aujourd’hui la nocivité, y compris en terme de radicalisation.
De fait, les mosquées radicales doivent être fermées. Il faut expulser les imams étrangers qui y prêchent la haine, mais aussi ceux qui demeurent dans l’ambigüité mais prônent un mode de vie parfaitement incompatible avec celui de la France du XXIème siècle.
Les choses doivent être dites: il s’agit d’un combat non pas religieux mais politique, et dont le résultat est crucial pour l’avenir de notre cohésion nationale.
Quelle sera l’influence de ces attentats sur la politique migratoire en France? Le risque que des migrants soient des djihadistes, Syriens en partance pour la France, ou Français de retour en France est-il significatif?
J’ai fait partie de ceux qui ont tiré la sonnette d’alarme dès la fin de l’été sur la question des migrants, non pas pour contester la détresse évidente de la majorité d’entre eux, mais parce que l’État islamique avait annoncé dès le mois de mars 2015, que l’envoi massif de centaines de milliers de migrants serait utilisé pour déstabiliser notre continent, et pour y infiltrer des combattants. Une fois de plus, le programme nous était annoncé.
Un mélange de naïveté et de bons sentiments a conduit l’ensemble des médias et dirigeants européens à abandonner instantanément toute raison devant l’émotion suscité par la photo du petit garçon retrouvé mort sur une plage grecque au début du mois de septembre. Or, s’il n’est évidemment pas question que l’Europe ne prenne pas sa part de solidarité face à des populations fuyant la guerre, il fallait pour autant conserver son sang-froid, canaliser le flot et organiser un accueil précédé d’un contrôle dans des conditions susceptibles de permettre à l’Europe de jouer son rôle de solidarité tout en conservant la maîtrise des événements et le contrôle de sa sécurité.
Plus de deux mois plus tard, le bilan est catastrophique. En Allemagne ou en Suède, le retournement des populations et de certains politiques est spectaculaire et les tensions ethniques palpables constituent le germe de difficultés et sans doute de violences qu’il n’est pas besoin d’être devin pour anticiper.
Quant à la question de l’éventualité d’infiltration de terroristes parmi les migrants, «impensable» aux yeux de tant de belles âmes, elle est aujourd’hui factuellement réglée par les empreintes retrouvées sur l’un des kamikazes du stade de France: oui l’État islamique a infiltré au moins un de ses hommes parmi les centaines de milliers de ceux qui sont entrés en Europe depuis la fin de l’été. Je pense que personne n’oserait aujourd’hui soutenir qu’il était le seul. On peut donc tenir pour certain le fait qu’un nombre significatif d’entre eux sont entrés parmi le flot des migrants. À la question de leur nombre il est impossible de répondre. J’espère simplement que nous ne découvrirons pas l’ampleur de cette infiltration au fur et à mesure d’attaques qui ensanglanteraient l’Europe mais je ne vous cache pas mon pessimisme à cet égard.
Le déroulement de la COP21 qui commencera le 29 novembre a été maintenu. Cependant, un arrêté publié au Journal officiel samedi 14 novembre autorise l’utilisation d’un antidote aux attaques chimiques. En effet, le gouvernement estime que «le risque d’attentats terroristes et le risque d’exposition aux neurotoxiques organophosphorés constituent des menaces sanitaires graves qui appellent des mesures d’urgence». Cette décision est-elle adaptée?
Il faut saluer cette décision ainsi que les propos de Manuel Valls à la tribune de l’Assemblée Nationale. On sait que l’État islamique n’a jamais reculé devant aucun procédé dans la guerre qu’il mène à ses ennemis au rang desquels nous figurons en bonne place.
Parer à toute éventualité relève donc de la responsabilité de nos gouvernements. Le déni ne fait pas disparaître la réalité, et se préparer aux événements les plus graves ne signifie pas qu’ils auront lieu, mais simplement que si tel était le cas, cette préparation en limiterait les effets.
En toute hypothèse, ce dernier point illustre la gravité de la situation et la nécessité pour tous (politiques, médias, citoyens) de comprendre que les 70 ans de paix que notre pays a vécu sont aujourd’hui terminés ; et que si nous ne sommes pas entrés dans une phase de guerre au sens où l’Europe l’a connu au milieu du XXème siècle, il est hélas certain que la violence a durablement fait son retour sur notre continent et dans nos vies.
Le règlement de la problématique politique sous-jacente prendra des années, pendant lesquelles il faut que chacun s’adapte, non seulement par des précautions de sécurité significativement plus élevées que jusqu’alors, mais aussi et peut-être surtout par une réflexion aussi bien collective que personnelle, qui permette à la France de traverser les moments difficiles à venir comme elle en a traversé d’autres par le passé, avec lucidité et détermination, afin de développer une résilience face aux épreuves qui nous attendent et d’asseoir le triomphe de nos valeurs.