Le commerce agricole français
Les résultats de la France en matière de commerce extérieur constituent un enjeu majeur de souveraineté. Ils révèlent notre dépendance aux productions étrangères et notre capacité à être autonome, notamment dans des secteurs stratégiques comme l’agriculture.
Par Tristan Audras
Balance commerciale de la France
En 2023, la balance commerciale extérieure de la France, c’est-à-dire la différence entre la valeur des importations et des exportations sur l’année, était déficitaire de 99,6 Md€. Le montant des importations s’élevait à 706,9 Md€ quand celui des exportations atteignait 607,3 Md€.
Si le déficit commercial de la France reste important, il s’est fortement réduit par rapport à 2022 (-162Md€). Cette amélioration provient surtout de l’amélioration du solde des produits énergétiques. La France est repassée exportatrice nette d’électricité en 2023 par exemple.
Balance commerciale des produits agricoles bruts
Le solde de la balance commerciale des produits agricoles bruts se dégrade par rapport à 2022 (-3,6 Md€) mais reste excédentaire (+1,2 Md€). La valeur des exportations de produits agricoles, sylvicoles, de la pêche et de l’aquaculture était en 2023 de 19,1 Md€ (-14,9% par rapport à 2022) contre 17,9 Md€ pour les importations (+1,3%).
Cette dégradation s’explique principalement par la baisse des exportations de céréales en volume et en valeur. Du fait de l’évolution de la crise ukrainienne (mise en place de l’initiative céréalière de la mer noire qui débloque les ports ukrainiens) les exportations de blé tendre depuis la France ont par exemple baissé de 33%. Le prix de cette même denrée a également diminué de 22%.
Les résultats sont variables en fonction des produits. Le solde est négatif pour les fruits, les légumes, le cacao, le thé, le café ou les produits de la pêche… mais positif pour les œufs, le miel, la viande bovine vive ou les produits sylvicoles.Balance commerciale des produits agricoles transformés
En 2023, le solde la balance commerciale des produits agricoles transformés est lui aussi positif (+5,4 Md€) et pratiquement stable par rapport à 2022. La valeur des exportations atteint 62,7 Md€ quand le montant des importations s’élève lui à 57,2 Md€.
Là encore les résultats sont variables selon les produits. La balance française est principalement tirée par le secteur des boissons alcoolisées. Le vin et le champagne représentent à eux deux un excédent de près de 11 Md€. Inversement, d’autres secteurs sont bien sûr déficitaires. Il s’agit des viandes et produits d’abattage (-3Md€ environ), des produits préparés de la pêche (-3,7Md€) ou des produits à base de fruits et de légume (-3,9Md€).
Evolutions et perspectives
Grâce à la modernisation de son agriculture et à la mise en place de certaines politiques publiques comme la PAC, la France est devenue est une puissance agro-exportatrice dans les années 1970. Pendant près de 40 ans elle a pris de plus en plus de place dans les échanges agricoles mondiaux. La tendance s’inverse depuis 2010. La France était encore le deuxième exportateur mondial de produits agricoles dans les années 1990 elle est aujourd’hui sixième. Les Pays-Bas, la Chine, le Brésil et l’Allemagne sont passés devant.
D’après un rapport sénatorial de 2022, on observe un tassement de la production agricole française en volume depuis 1997. Les principales raisons sont le recul des surfaces agricoles utiles, la réduction du nombre d’agriculteurs en activité, et le plafonnement des rendements. Par ailleurs, on observe plusieurs tendances négatives : baisse des parts de marché en Europe, présence limitée sur des marchés dynamiques dont le poids se renforce, et des performances mitigées sur les produits hauts de gamme.
Inversement le montant et le volume des importations augmente dans la quasi-totalité des filières, notamment depuis l’UE. Aujourd’hui par exemple environ 50% des volailles consommées en France sont importées, principalement des pays de l’Est. Le poulet Ukrainien, deux fois moins cher que le poulet Français, inonde aujourd’hui notre marché national notamment grâce à la suppression des droits de douane négocié avec l’UE depuis la guerre.
Plusieurs sources, telles que le ministère de l’Agriculture et la direction générale du Trésor, estiment que le déclin de l’agriculture française s’explique principalement par une perte de compétitivité. Plusieurs facteurs peuvent être mis en avant :
- Charges plus élevées sur de nombreux postes (coût horaire du travail dans la fourchette haute de l’Union européenne)
- Degré des exigences environnementales (plus élevées en moyenne que dans l’OCDE)
- Coût des consommations intermédiaires (engrais, produits phytosanitaires…)
- Des exploitations plus petites (réduit les économies d’échelle)
- Une fiscalité de production plus élevée
La France dispose néanmoins de nombreux atouts notamment le coût de l’énergie et du foncier, la traçabilité et la sécurité sanitaire de ses produits ou encore une image de marque sur les produits haut de gamme comme évidemment le vin ou le fromage.