La France reste le pays le plus attractif en Europe, mais le développement de la violence et l’instabilité sociale pourraient bien changer la donne. Prendre des mesures face à l’insécurité devient donc une nécessité économique également
La France conserve donc la première place du podium de l’attractivité en Europe
La 7e édition du rendez-vous économique des industriels et des investisseurs étrangers, Choose France, avait cette année pour thème « France, terre de champions. Ce millésime 2024 a permis l’annonce de 56 projets d’investissements répartis sur le territoire national, à 65% d’origine européenne. Ce sont également quelques 10 000 promesses d’emplois annoncées par le gouvernement dans des secteurs aussi variés que la R&D, l’intelligence artificielle, la décarbonation et même le quantique. A quelques encablures désormais des JOP 2024, notre pays conserve donc la première place du podium de l’attractivité en Europe, et ce pour la cinquième année consécutive. L’exécutif, en peine de nouvelles économiques positives sur fond de dette publique vertigineuse, s’appuie sur ses réalisations pour se féliciter de ce succès : modification de l’environnement fiscal des entreprises pour le rendre plus favorable à l’investissement, mise en place du plan France Relance 2023… sans oublier une campagne de communication internationale à destination des leaders d’opinion pour ancrer définitivement l’idée que la France sait être audacieuse, attractive et favorable aux investisseurs.
Le travail de simplification des normes porte ses premiers fruits, notamment par l’effet de la loi dite « Industrie Verte » d’octobre 2023 qui notamment assouplit le cadre d’implantation des usines, mais l’honnêteté intellectuelle conduit toutefois à souligner que des économistes, tels Laurent Izard par exemple, relativisent le succès de Choose France en soulignant que les décisions d’investissement sont souvent liées à l’octroi en parallèle de subventions publiques et qu’elles reflètent parfois une logique d’un capitalisme de prédation d’investisseurs étrangers opportunistes.
Sans confiance, point d’intérêt dans les meilleures perspectives de rentabilité.
Quel avenir ?
Cette cartographie de l’attractivité française posée, il est légitime de se projeter vers l’avenir pour identifier non les points de blocage à améliorer, mais bien plus les éléments déclencheurs de la décision d’investissement et assurer ainsi sa pérennité. Or, l’élément pivot fondateur n’est rien d’autre que la confiance. Sans confiance, point d’intérêt dans les meilleures perspectives de rentabilité. Pensons-nous que sans confiance, les états-majors d’entreprises d’Amazon, Pfizer, Thermomix, Morgan Stanley, ou McCain par exemple, amplifieront à l’avenir leurs décisions d’investissement et que d’autres entreprises se décideront à investir en France ?
Lucide. L’entreprise EY, dans son baromètre sur l’attractivité de la France publié le 2 mai dernier pose la question plus sous l’angle de la confiance économique et fiscale en affirmant que « les investisseurs sont confiants sur l’attractivité de la France ». La confiance fiscale est peut-être revenue grâce à la stabilité fiscale, mais celle-ci se heurtera nécessairement aux challenges économiques, sociaux et environnementaux qui nous attendent. EY s’interroge également en ces termes « Alors, quel regard suivre ? Celui des observateurs de l’aiguille de la dette ou de la polarisation de notre société ? Ou celui des acteurs du business international qui trouvent que la France constitue aujourd’hui un pôle de stabilité dans un monde qui en manque cruellement ? ».
Portons un regard lucide
Portons un regard lucide sur la réponse à cette question. La polarisation de notre société entraîne une montée continue de la violence, que nos compatriotes entrepreneurs et industriels perçoivent parfaitement. Elle se manifeste également par une instabilité sociale et parfois même des épisodes de violences non contrôlésengendrant des pertes financières pour notre tissu économique. Malheureusement, il existe un risque que la confiance des investisseurs étrangers s’érode face à la dégradation du climat sécuritaire de notre pays : les traditionnels « frottements sociaux », vus jusqu’ici comme une marque de « l’exception française », dégénèrent désormais fréquemment en affrontements en règle dans une société clivée. De ce point de vue, le rapport de la Commission d’enquête du Sénat rendu en avril dernier chiffre à un milliard d’euros le coût des émeutes de l’été 2023, rappelant que 2.500 bâtiments et 12.000 véhicules ont été incendiés lors de cet épisode de violences. Une ampleur sans commune mesure avec les émeutes de 2005. De même, les images des violences lors des contestations de la réforme des retraites ont eu un effet désastreux à l’étranger.
Le tissu économique nécessite, pour se développer et rester attractif, une réelle stabilité de la situation sécuritaire du pays, dans un contexte tant d’instabilité géopolitique que d’échéances électorales. Les outils productifs sont le fruit d’efforts continus de nos entreprises. L’attractivité de la France se maintiendra si la sécurité de son appareil productif est préservée.
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Alexia Germont est membre du comité stratégique du CRSI.