Quels sont les principaux défis auxquels se prépare la police à l’approche des JO ? Et que reste-t-il à mettre en place pour être définitivement prêt ?
Frédéric Veaux : À l’approche des Jeux Olympiques, la police nationale doit à la fois assurer ses missions constantes et faire face à un immense défi, celui d’assurer la sécurité du plus grand événement sportif mondial. C’est un enjeu majeur pour les forces de sécurité intérieure et un défi capacitaire qui exige un engagement total des policiers, tant pour assurer la protection de l’ensemble des sites olympiques que pour garantir un niveau de sécurité renforcé sur l’ensemble du territoire. L’absence de congés durant une partie de l’été, eort sans précédent, permettra d’assurer nos missions tout en faisant face à celles, particulières, de cet événement.
A quelques semaines de l’événement et alors que les policiers sont déjà engagés avec le relais de la flamme, il reste à s’assurer que tout est prêt en termes de soutien et de logistique.
Nos équipes ont intensément travaillé depuis de nombreux mois et doivent maintenant opérer les derniers ajustements très concrets afin que chacun des milliers de policiers mobilisés accomplisse sa mission le plus sereinement possible.
Les armées ont été sollicitées pour compléter le dispositif de sécurisation des JO Comment préparez-vous la coordination avec votre institution ?
FV : Les policiers ont l’habitude de voir les militaires engagés à leurs côtés sur le territoire national dans le cadre du plan Sentinelle. L’emploi des unités militaires en mission d’appui a été planifié sur l’ensemble du territoire afin qu’elles réalisent des patrouilles dans des zones définies à proximité des sites olympiques, mais aussi dans les gares et les aéroports. Tout cela est nourri par un dialogue construit entre les autorités civiles et militaires locales et sera ajusté en fonction des contraintes opérationnelles.
Des forces venant d’autres pays sont attendues. Comment la coordination va-t-elle s’organiser ?
FV : La France a, à l’instar de ce qui a été fait pour la coupe du monde de rugby, sollicité des renforts de policiers étrangers qui seront principalement accueillis dans les territoires accueillant les compétitions. Plus de 1.700 policiers étrangers issus de 44 nationalités sont ainsi attendus pour aider les policiers français, avec une mission d’assurer la liaison avec leurs ressortissants, par exemple lors de patrouilles à proximité des sites olympiques, ou d’accomplir des tâches de spécialistes telles que la recherche cynotechnique.
Les forces de police ont-elles reçu des formations spécifiques en vue des JO ?
FV : Dans le cadre de la formation continue, une quinzaine de thématiques ont été depuis deux ans inscrites par l’Académie de police dans un catalogue spécifique de formation. Très en amont de l’événement, l’objectif était en eet de développer les compétences des policiers dans les domaines généralistes ou de forte spécialité (par exemple secourisme, drone, investigation numérique). Un eort a aussi été porté sur les formations linguistiques.
Quels sont les diérents types de menaces auxquelles se prépare la police?
FV : Plusieurs types de risques sont identifiés par les services de renseignement, parmi lesquels la direction nationale du renseignement territorial (DNRT). En premier lieu figure la menace terroriste, mais aussi les atteintes cyber. Sans éluder les atteintes aux biens et aux personnes, nous prenons aussi en compte de manière spécifique tout ce qui touche à l’organisation des Jeux Olympiques, par exemple la fraude à la billetterie ou les éventuelles atteintes à la flamme olympique.
Pour assurer une réponse ministérielle eciente, un centre de renseignement olympique (CRO), en lien avec tous les services de renseignement (DNRT, DGSI, DGSE, etc.) a été installé, tandis que fonctionnera durant la période des JOP un centre national de commandement stratégique (CNCS) pour assurer le pilotage ministériel de l’événement et l’éventuelle gestion de crise.
Comment la police nationale anticipe-t-elle une cyberattaque majeure pendant les Jeux?
FV : La direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) prend toute sa part au dispositif national de lutte contre les cyberattaques, sous le pilotage de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Elle assure en particulier des missions de veille, de détection et d’identification des attaques mais aussi et des missions d’enquête par le traitement judiciaire donné. Dans la perspective des Jeux Olympiques, elle a renforcé ses services centraux opérationnels, en particulier son oce anti-cybercriminalité (OFAC), ainsi que les plateformes de signalement en ligne Thésee de recueil de plainte en ligne de certaines escroqueries commises sur internet et Pharos dédiée au signalement des contenus illicites sur internet.
En dix ans, les drones ont pris une place centrale dans la menace. Comment le dispositif spécifique anti-drone s’est-il organisé pour les JO?
FV : La police nationale, sous la coordination de la police aux frontières, compte aujourd’hui plus de deux cent cinquante opérateurs spécialisés dans la lutte anti-drone, dotés d’un matériel adapté de dernière génération. Les équipes d’opérateurs seront répartis, aux côtés de leurs collègues de la gendarmerie, sur les sites olympiques sous le pilotage de l’armée de l’air et de l’espace en charge de la coordination générale de cette mission.
La vidéoprotection par algorithme sera-t-elle utilisée pendant les JO ?
FV : A l’occasion des JO, plusieurs utilisations de vidéo augmentée sont prévues en Île-de-France, sous la supervision de la préfecture de police, la RATP et la SNCF.
La DGPN, quant à elle, sera utilisatrice de la technologie pour d’autres événements ultérieurs.
La loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux Olympiques et paralympiques de 2024 (dite “loi JO”) autorise, pour la première fois, la mise en œuvre de solutions d’intelligence artificielle dans la vidéo protection, sans toutefois intégrer l’utilisation maîtrisée de la reconnaissance faciale d’individus recherchés pourtant prônée par de nombreux services de renseignements étrangers et spécialisés. Ces techniques sont pourtant susceptibles de produire un avantage décisif en temps réel en cas d’événements graves.
Pensez-vous que la France pourra longtemps organiser la sécurité de grands événements en rejetant l’utilisation même contrôlée de techniques d’IA les plus avancées ?
FV : Conformément aux orientations fixées par le Président de la République et le ministère de l’Intérieur, il n’y aura aucune utilisation de dispositifs de reconnaissance faciale dans l’espace public pendant les Jeux Olympiques.
L’expérimentation ouverte par la loi JO ne vise que la détection de comportements ou événements anormaux, et en aucun cas l’utilisation d’une technologie de reconnaissance faciale.
À terme, l’usage de la reconnaissance faciale par les services de police peut constituer une opportunité, dans certains cas qu’il appartient au législateur de définir et d’autoriser. On peut penser, par exemple, à l’identification d’une personne suspectée d’avoir commis un attentat terroriste, ou bien encore pour la détection des personnes disparues ou ayant fait l’objet d’un enlèvement. Le Règlement sur l’intelligence artificielle récemment adopté par l’Union européenne ouvre d’ailleurs cette possibilité pour les États membres.