Frontex, l’agence incontournable

Frontex, l’agence incontournable
10 mars 2024 Olivier Debeney

Frontex, l’agence incontournable

Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (basée à Varsovie), est au cœur de l’actualité migratoire en Europe. Créée en 2004, elle a pour mission de coordonner la surveillance des frontières extérieures de l’espace Schengen et de lutter contre la migration illégale. Avec l’augmentation des flux migratoires ces dernières années, Frontex a vu son rôle et ses moyens être considérablement renforcés pour passer d’une petite structure humanitaire à une police des frontières européenne. L’agence dispose désormais d’un budget d’un milliard d’euros et d’une force d’intervention rapide de plus de 2100 garde-frontières permanents.


Historique

2004 : Les débuts

L’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex) est créée par le règlement (CE) n° 2007/2004 du Conseil du 26 octobre 2004. Son objectif est de renforcer la coopération entre les États membres en matière de gestion des frontières extérieures et de lutter contre l’immigration illégale.

2005-2014 : Développement et expansion

Durant cette période, Frontex se concentre sur la coordination des opérations de surveillance des frontières maritimes et terrestres, ainsi que sur le développement de formations communes pour les garde-frontières. L’agence lance également des initiatives pour améliorer l’échange d’informations et de technologies entre les États membres.

2015 : Crise migratoire et montée en puissance

L’afflux massif de migrants vers l’Europe en 2015 met Frontex au cœur de la gestion de la crise. L’agence est appelée à coordonner les efforts des États membres pour secourir les migrants en mer, empêcher les arrivées illégales et lutter contre les réseaux de passeurs.

2016 : Renforcement des pouvoirs et création du Corps européen de garde-frontières et de garde-côtes.

L’agence dispose depuis d’une réserve de réaction rapide composée de 1 500 agents.

Le règlement (UE) n° 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2016 renforce considérablement les pouvoirs et les moyens de Frontex. L’agence est désormais dotée d’un budget plus important et d’un corps permanent de garde-frontières : le Corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (CGF).

Il aide à :

  • Gérer les migrations avec plus d’efficacité,
  • Améliorer la sécurité intérieure de l’UE,
  • Protéger le principe de libre circulation des personnes.

Novembre 2019 : Adoption d’un règlement visant à renforcer le rôle de l’agence.

Connu sous le nom de règlement Frontex, il prévoit :

  • Une gestion intégrée des frontières,
  • Un rôle accru de l’agence dans le traitement des retours,
  • La création d’un contingent permanent de 6 500 personnes d’ici 2021 et de 10 000 personnes d’ici 2027.

Depuis, Frontex peut acquérir son propre matériel, notamment des avions et des navires. Dans les faits, les États membres les mettent à disposition et obtiennent ensuite un remboursement.

2022 : Démission de Fabrice Leggeri

Le directeur de l’agence démissionne à la suite d’une enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) concernant différentes accusations dont il sera ultérieurement blanchi (harcèlement, inconduite, notamment pendant le Covid et sur des sujets de recrutement, et refoulement de migrants). Le Néerlandais Hans Leijtens lui succède.

Frontex intervient dans toute l’Union européenne, des frontières orientales de l’UE jusqu’à la Grèce et Chypre, en passant par les Balkans. L’agence mène aussi des opérations en Moldavie, en Serbie, au Monténégro et en Albanie, grâce à des accords négociés.

Missions

  • Assurer une veille permanente de la situation aux frontières extérieures de l’UE et de l’espace Schengen.
  • Porter assistance aux Etats membres, notamment pour enregistrer et identifier les migrants à leur arrivée, et en coordonnant le déploiement de moyens techniques et humains supplémentaires au sein des Etats.
  • Coordonner des opérations de renvoi de migrants irréguliers vers leur pays d’origine.
  • Uniformiser les normes de contrôles aux frontières.

Quelques opérations importantes

 

L’opération Triton, lancée par l’agence européenne de surveillance des frontières Frontex en novembre 2014 en remplacement de l’opération Mare Nostrum, visait à la fois à surveiller les frontières maritimes de l’Union européenne en Méditerranée centrale et à porter secours aux migrants en détresse. Durant ses trois années d’existence, l’opération a contribué à démanteler des réseaux de passeurs et à lutter contre le trafic d’êtres humains et contre l’immigration irrégulière. Triton est également venue en aide à plus de 60 000 migrants en mer. L’opération Triton a été controversée dès son lancement. Certains critiques l’ont accusée de ne pas en faire assez pour sauver des vies, tandis que d’autres ont pointé du doigt son coût élevé et son inefficacité à endiguer le flux de migrants vers l’Europe.

En février 2018, Triton a été remplacée par l’opération Themis, qui s’inscrit dans le cadre d’une approche plus globale de la gestion des migrations en Méditerranée. Themis poursuit les objectifs de surveillance des frontières et de sauvetage en mer, tout en renforçant la coopération avec les pays d’origine et de transit des migrants. [1] [2]

L’opération Poséidon, lancée conjointement par la Grèce et l’agence européenne Frontex en décembre 2015, vise à contrôler les frontières maritimes grecques en mer Égée et à lutter contre le trafic de migrants et d’autres activités criminelles.

Elle répond à une augmentation importante du nombre de migrants arrivant par la mer, dont beaucoup traversaient la mer Égée depuis la Turquie (faisant pression sur l’UE) pour atteindre les îles grecques. Cette opération a mis en place de nombreux moyens, notamment aériens, maritimes et terrestres et a permis de ralentir l’immigration clandestine dans cette zone sans qu’il soit possible d’avancer des chiffres sûrs (60 000 personnes interceptées en 2023 [3]).

D’autres opérations telles que Hermes (Lampedusa, 2011), Indalo (Espagne-Maroc, 2014), Irini (patrouilles aériennes partout en Méditerranée, 2020) sont régulièrement lancées.

Liens avec Europol

Frontex et Europol collaborent étroitement pour la sécurité aux frontières et la lutte contre la criminalité grâce à des échanges d’informations (données opérationnelles, itinéraires migratoires, renseignements sur les réseaux criminels, le trafic de migrants ou les réseaux contrebandiers). Les deux agences peuvent aussi mener des opérations conjointes (Poséidon par exemple) et s’assister en cas de besoin, notamment sur le plan opérationnel.

Frontex est également amené à collaborer avec l’agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA) qui déploie une assistance opérationnelle aux pays de l’UE confrontés à une pression migratoire et protège les droits fondamentaux des demandeurs d’asile.

Europol en quelques données [4] :

  • Plus de 1400 personnes.
  • 264 officiers de liaison.
  • Des milliers d’enquêtes internationales chaque année.
  • Une agence officielle de l’Union européenne depuis le 1er janvier 2010.

Eurosur, un système d’information clé

Eurosur est un système européen de surveillance des frontières maritimes et terrestres, mis en place en 2013 pour lutter contre l’immigration clandestine et la criminalité transfrontalière. Il permet de multiplier les échanges d’informations, grâce à un réseau de communication protégé. Il permet de partager des images et des données en temps réel sur les frontières (obtenus par satellites, hélicoptères, drones, systèmes de compte rendu des navires…). Doté d’un budget de 224 millions d’euros pour la période 2014-2020 il est un élément clé pour Frontex. [5]

Trois objectifs courus :

  1. Réduire l’immigration clandestine en Europe,
  2. Lutter contre la criminalité transfrontalière,
  3. Assurer la protection et le sauvetage des migrants en mer.

Assistance aux personnes en détresse en mer

Le droit européen et international impose aux États un certain nombre d’obligations envers les personnes en détresse en mer. Ces obligations visent à garantir le sauvetage des personnes en danger, leur protection et leur débarquement dans un lieu sûr.

  1. Obligation de porter secours : La convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) et la convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes (SAR), repris par le règlement Frontex (règlement UE n° 2019/1896) et la directive relative aux sanctions applicables aux passeurs (directive (UE) 2021/2118).
  2. Obligation de ne pas refouler : La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) et la Convention relative au statut des réfugiés interdisent le refoulement des personnes vers un pays où elles risquent d’être persécutées ou de subir des traitements inhumains ou dégradants. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la directive relative à l’asile (directive 2013/33/UE) reprennent ce principe.
  3. Obligation de garantir un débarquement sûr : Demandé par le droit international et la Cour de justice de l’UE.

Rétablir des frontières intérieures ?

L’article 29 du code frontières Schengen autorise les États membres à réintroduire des contrôles à certaines frontières intérieures, dans des circonstances exceptionnelles mettant en péril le fonctionnement de l’espace Schengen. Uniquement en dernier ressort.

  • Pour une durée de six mois maximum,
  • Reconductible trois fois seulement,
  • Deux ans

Les articles 25 et 26 du code frontières Schengen disposent que les États membres peuvent introduire des contrôles temporaires aux frontières en cas de circonstances prévisibles.

  • Notifier l’intention 4 semaines avant,
  • Durée maximale de 30 jours ou pour la durée prévisible de la menace,
  • Six mois maximum.

Le processus politique européen prône un élargissement continu des compétences de l’Union européenne, y compris en matière migratoire, et ce, indépendamment des politiques votées dans chacun des pays membres. C’est dans ce contexte que Frontex voit son influence croître et développe des moyens toujours plus importants.

 


Sources

[1] Union européenne

[2] Conseil européen

[3] Frontex

[4] Europol, données août 2023

[5] Toute l’Europe, 03/12/2020