Pour Thibault de Montbrial, le climat de violence et de provocation communautaires s’aggrave considérablement.
FIGAROVOX. – De l’affaire de Sisco à celle de Toulon, plusieurs faits divers sont devenus symboliques des tensions culturelles qui traversent la France avant de retomber. Les médias ont-ils réagi trop vite au mépris des faits?
Thibault de MONTBRIAL. – Ces incidents se multiplient et leur nombre est supérieur à ceux qui sont ainsi rapportés. Pour les médias, toute la difficulté consiste à faire le tri entre les faits eux-mêmes, mais également les rumeurs et les tentatives d’intoxication que la tension croissante dans le pays a pour inévitable conséquence de générer.
Aujourd’hui, certains médias évoquent les affrontements entre Corses et maghrébins à Sisco comme une simple bagarre de villageois tandis que l’agression de Toulon est présentée comme un acte de violence gratuite. Ces affaires sont-elles isolées ou traduisent-elles un climat de guerre civile larvée dans certains territoires?
Un procureur m’expliquait qu’il y avait «quasi systématiquement» une dimension communautaire derrière les violences commises dans son ressort.
Certains médias multiplient les efforts pour tenter de dissocier les violences de leur contexte. Or, s’il convient nécessairement d’être prudent et d’analyser chacun des faits de façon autonome, il n’est pas interdit de regarder le tableau d’ensemble qui révèle une réalité extrêmement inquiétante: nombre de ces incidents portent en toile de fond une dimension ethnico-religieuse.
Un procureur de province m’expliquait récemment qu’il y avait désormais «quasi systématiquement» une dimension communautaire en toile de fond derrière les différentes violences commises dans son ressort.
Ces faits sont-ils symptomatiques d’une violence liée à l’immigration et à l’islam qui s’est répandue depuis plusieurs années dans le pays?
Ces violences m’apparaissent plus précisément comme le résultat d’un communautarisme militant qui conduit certains individus à considérer que les règles de vie définies par l’Islam, c’est-à-dire la charia, doivent s’imposer par tous les moyens aux personnes qui vivent sur un territoire déterminé. La violente agression survenue à Nice au début de l’été contre une jeune femme qui servait de l’alcool dans un bar pendant le ramadan en constitue une parfaite illustration. Et il apparaît régulièrement que des affaires de droit commun classiques sont teintées de propos tels que «sale blanc» ou «sale kouffar» en rapport avec l’origine ou la religion.
Les médias semblent écartelés entre devoir d’informer, de dire le réel, et volonté de ne pas attiser les passions. Comment trouver le juste équilibre?
Il m’a été rapporté des situations dans le cadre desquelles, par souci d’apaisement, la dimension communautariste d’une infraction n’a pas été prise en compte par le Parquet.
Le risque est-il de verser dans le déni du réel, voire de banaliser une violence qu’il est urgent de combattre?
Péguy disait: «il faut dire ce que l’on voit, mais surtout il faut voir ce que l’on voit». Le déni expose à un double danger. D’abord, ne pas prendre la mesure du réel empêche par hypothèse de réfléchir aux solutions qu’il convient de lui opposer. Imagine-t-on un médecin opérer sur la base d’un diagnostic erroné, volontairement de surcroît?
Le deuxième risque consiste à voir se renforcer encore la défiance d’une partie de notre population envers les médias et les institutions en considérant que «on lui ment», sur la base du décalage qu’elle observe entre les faits qu’elle vit au quotidien et la façon dont ils sont rapportés dans le débat public. Autrement dit, la révélation de la réalité, aussi déplaisante soit-elle, m’apparaît comme le meilleur garant de la stabilité de notre société déjà fort ébranlée.
Enfin, notre pays est de plus en plus le théâtre de provocations qui sont ensuite exploitées dans des logiques victimaires par des associations aux visées communautaristes assumées, comme le CCIF.
Votre dernier livre s’intitule, Le sursaut ou le chaos. Après une brève période de sursaut, assiste-t-on au retour du politiquement correct?
L’évolution de ces derniers mois est très préoccupante. La multiplication et la diversité des incidents le démontrent. Outre les faits divers évoqués plus haut, rappelons les actes terroristes de basse intensité après les attaques dramatiques de Nice et de Saint-Étienne du Rouvray: attaque du commissariat de Toulouse le 30 Août, projets du «groupe des femmes» arrêtées l’autre semaine, mineurs interpellés ces derniers jours à Paris…. Il faut ajouter cette difficulté persistante d’une partie importante des observateurs à comprendre que les attaques prétendument menées par des «déséquilibrés» résultent des multiples incitations de l’État Islamique, qui ont précisément vocation à déclencher le passage à l’acte de personnes fragilisées, et que dissocier ces actes de la dimension terroriste à laquelle la France est exposée constitue une erreur d’analyse de l’ordre du contresens.
Enfin, notre pays est de plus en plus le théâtre de provocations qui sont ensuite exploitées dans des logiques victimaires par des associations aux visées communautaristes assumées, comme le CCIF. On peut également ajouter des opérations sidérantes telles que le «camp d’été décolonial», une réunion interdite aux blancs (!) qui s’est déroulée fin août près de Reims sans que le Préfet ne l’ait estimée contraire à l’Ordre public et où seuls des journalistes sélectionnés ont été admis. Cette manifestation est notamment à l’origine d’un article à charge contre la société française absolument surréaliste publié par le New-York Times la semaine dernière, qui constitue un cas d’école de ce mélange de provocation et de victimisation d’une partie de la communauté musulmane auxquelles nos institutions sont si réticentes à opposer la fermeté qui devrait s’imposer, comme la pathétique réaction du Préfet de la Marne l’a démontré. La sombre convergence de ces constats augure mal du sursaut nécessaire.