Au lendemain des attentats de Bruxelles, Thibault de Montbrial, estime que ceux-ci pourraient suivis par de nombreux autres. Pour lui, les terroristes bénéficient d’un soutien significatif d’une partie de la population, notamment sur le plan logistique.
LE FIGARO. – Après les attaques de janvier et de novembre à Paris, c’est la Belgique qui a été touchée mardi matin. Sommes-nous dans le tragique de répétition?
Thibault de MONTBRIAL. – Cette attaque s’inscrit dans une dynamique annoncée par l’État islamique. Les services de renseignement européens ont aujourd’hui parfaitement conscience de ce que des cellules islamistes ont été infiltrées en Europe pour y perpétrer des attaques probablement coordonnées et très spectaculaires en tout cas. Ces perspectives ont été notamment évoquées par des responsables des services de renseignement civil ou militaire devant des commissions parlementaires, comme en France le 17 février 2016 ou aux États-Unis le 2 mars 2016. Cette attaque constitue donc tout sauf une surprise, et il est hélas acquis qu’elle sera suivie par de nombreuses autres.
Celles-ci sont-elles à prévoir en Europe ?
Oui, toute l’Europe est concernée mais pas uniquement. Les attentats se multiplient également en Afrique et au Maghreb: Côte d’Ivoire et Mali ont entre autres été touchés récemment. Quant à la Tunisie, elle est sous pression: à Ben Gardane, les djihadistes ont mené une attaque spectaculaire le 7 mars avec assassinat de responsables de la sécurité à domicile, assaut contre des casernes des forces de l’ordre, contrôle d’une partie de la ville pendant plusieurs heures. Depuis, les accrochages entres les islamistes et les forces de sécurité y sont quotidiens, même si personne n’en parle ou presque. Il faut encore souligner que l’État islamique n’est pas seul à agir, et que des groupes comme AQMI paraissent également très actifs.
Les services de renseignement ont-ils évolué dans leur manière de penser la menace terroriste ?
Les mesures mises en place depuis novembre en France vont dans le bon sens. Mais la priorité, c’est cependant de changer d’état d’esprit. Nous sortons d’une période de soixante-dix ans de paix. Ce temps est aujourd’hui révolu, nous sommes attaqués sur notre territoire et il faut totalement réorganiser sa défense à l’aune de cette nouvelle donne.
Cela implique en amont de rompre avec l’angélisme récurrent de nombreuses élites, notamment politiques et médiatiques, encore réticentes à nommer l’ennemi. Il faut aussi revoir l’organisation de la sécurité à l’échelle européenne. L’espace Schengen a en effet été pensé comme un espace économique, de libre-échange et de libre circulation de temps de paix. Les questions de sécurité n’y ont quasiment pas été prises en compte.
Comment prévenir de prochaines attaques terroristes ?
Les pays d’Europe sont attaqués pour ce qu’ils sont et ce qu’ils représentent. Ce n’est pas le terrorisme qui nous fait la guerre. Ce sont les islamistes radicaux, qui utilisent le moyen du terrorisme pour faire triompher l’islamisme politique. C’est une guerre de conquête.
La situation n’a plus rien à voir avec les vagues d’attentats qui nous ont frappés dans les années 1980 ou 1990. Aujourd’hui, les attaques sont perpétrées par des ressortissants européens, nés et élevés ici, et qui nous haïssent. Ils ne sont plus quelques dizaines, mais des milliers. Ils bénéficient d’un soutien significatif d’une partie de la population, notamment sur le plan logistique. En France, on trouve des dizaines de Molenbeek, comme le rappelait dimanche dernier Patrice Ribeiro, le Secrétaire Général de Synergie-officiers. Ce n’est qu’en ayant une lucidité totale sur ce phénomène que nous pourrons mener les politiques de sécurité et de reconquête de nos valeurs qui s’imposent.
On ne s’en sortira pas avec des fleurs et des bougies. Il faut se préparer à prendre et à rendre les coups.
Enfin, pour tenir sur la durée et éviter un effondrement parfaitement possible quand on analyse nos faiblesses, il faut également travailler la résilience: anticiper les risques, savoir réagir lors des attaques, rebondir après. À cet égard, les larmes de Federica Mogherini sont consternantes. On ne s’en sortira pas avec des fleurs et des bougies. Il faut se préparer à prendre et à rendre les coups. Ce ne sera possible qu’en associant et en impliquant la population, en lui expliquant la réalité sans fard, et en la responsabilisant. Chaque citoyen doit ainsi être conscient qu’il a un rôle à jouer pour traverser les épreuves qui s’annoncent.