De Michel Houellebecq à Laurent Bigorgne en passant par Luc Ferry et François-Xavier Bellamy, plusieurs intellectuels nourrissent la réflexion du président des Républicains Laurent Wauquiez.
Faire des Républicains un “lieu où l’on pense” : il n’était pas encore élu à la tête du parti que Laurent Wauquiez affichait son ambition de “renouer le dialogue” avec les intellectuels. Depuis 2012, il organisait déjà des déjeuners-débats avec des parlementaires amis autour d’un invité d’honneur, dans le cadre de son courant, la Droite sociale. Avaient été conviés à l’occasion de ce think tank informel la démographe Michèle Tribalat, l’avocat Thibault de Montbrial, le directeur de l’Institut Montaigne Laurent Bigorgne, le professeur de philosophie François-Xavier Bellamy ou le philosophe Marcel Gauchet.
La dernière rencontre remonte à septembre dernier, autour du sociologue québécois Mathieu Bock-Côté. “J’ai fait la connaissance de Laurent Wauquiez à ce moment-là”, explique ce héraut de “la renaissance intellectuelle du conservatisme”. Le patron de LR a beau citer souvent son nom, cet essayiste assure que ses échanges avec lui se sont limités à “cinq minutes de bavardage”, ce jour-là…
Conversations par textos sur des sujets précis
Depuis qu’il a pris la tête du parti, Wauquiez privilégie les discussions en tête à tête. A en croire l’un de ses proches, cet historien de formation, bardé de diplômes, n’est pas homme à avoir une éminence grise : “Il n’a pas d’intellectuels qui le conseillent à proprement parler. Ce n’est pas son mode de fonctionnement.” Mais il lit beaucoup. Et se nourrit des uns et des autres, ponctuellement, par texto et sur un sujet précis.
Il lui est arrivé de prendre une position exactement inverse à ce que j’avais pu lui dire
Parmi les destinataires de ses messages : François-Xavier Bellamy, jeune philosophe catholique et proche de Sens commun, auteur d’un ouvrage sur la crise du système éducatif (Les Déshérités, Plon, 2014). Ils s’étaient rencontrés lors d’un dîner en 2016. “Il était extrêmement curieux, intéressé, attentif”, se souvient M. Bellamy, alors surpris de le voir prendre des notes. Sur l’éducation, “il a clairement une ligne personnelle, mais il cherche à la nourrir, l’argumenter ou l’ajuster”, selon le philosophe, également adjoint au maire (divers droite) de Versailles et candidat LR malheureux aux législatives de juin dernier. Et d’ajouter dans un sourire : “D’ailleurs, il lui est arrivé de prendre une position exactement inverse à ce que j’avais pu lui dire.” Début janvier, Wauquiez lui avait proposé d’entrer dans son futur “gouvernement fantôme”, offre qu’il a déclinée.
Autre destinataire de ces textos : l’avocat Thibault de Montbrial, président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure, rencontré lors d’un déjeuner à l’automne 2016. “Il m’a posé de nombreuses questions, raconte-t-il. Il y a eu un vrai échange.” L’homme insiste toutefois sur son “indépendance totale”, et souligne qu’il dialogue aussi avec Valérie Pécresse ou des députés LREM.
Je ne suis pas un spin doctor. Mais quand on me pose des questions
Quelques jours avant son récent passage dans L’Emission politique sur France 2, Wauquiez échangeait aussi avec son ami Camille Pascal, ex-plume de Nicolas Sarkozy, qui publiait l’an dernier Ainsi, Dieu choisit la France (Presses de la Renaissance, 2016), une histoire des scènes fondatrices de la France catholique. Il consulte parfois Agnès Verdier-Molinié, directrice de la fondation Ifrap – mais “sans exclusivité”, insiste la pourfendeuse de la dépense publique. Et rencontre régulièrement Laurent Bigorgne, directeur d’un autre think tank libéral, l’Institut Montaigne.
Les deux hommes se sont connus dans les couloirs de Sciences-Po, où Wauquiez enseignait au début des années 2000. “Je considère Laurent comme un ami”, confie M. Bigorgne, qui insiste sur l’indépendance de l’Institut. “Je ne suis pas un spin doctor. Mais quand on me pose des questions, je réponds, quelle que soit la sensibilité politique de mon interlocuteur”, ajoute celui qui est également proche d’Emmanuel Macron. Récemment, Wauquiez l’interrogeait ainsi au sujet d’une étude sur les discriminations à l’embauche.
Proche de Luc Ferry
Mais s’il est un nom qui revient avec insistance dans la bouche de Wauquiez, c’est celui de l’ancien ministre de l’Education de Jean-Pierre Raffarin, Luc Ferry. “Ils se sont vus il y a un mois et ont eu un échange approfondi sur la question de l’intelligence artificielle”, selon l’entourage du patron de LR. La collaboration pourrait toutefois aller au-delà. “Je suis convaincu que le face-à-face entre le centrisme et les extrêmes auquel nous assistons aujourd’hui est mortel pour la démocratie et que les grands partis de gouvernement doivent retrouver leur place au plus vite, explique en effet Luc Ferry. Dans ce contexte, Wauquiez m’a demandé de lui dire ce que devrait être, à mon sens, les grands axes d’un programme intelligent à droite.”
Côté écrivains, le patron de LR a, par ailleurs, “de l’affection et de l’admiration” pour l’auteur de Soumission (Flammarion, 2015), Michel Houellebecq, selon un de ses proches. “Il l’a vu, et le reverra. Mais là, on est loin de l’échange programmatique…”
Photo : Blondet Eliot/Abaca