Crise écologique et souveraineté énergétique dans les bâtiments publics : Des combats qui convergent
Face à une crise énergétique et à l’urgence climatique, les bâtiments publics en France se retrouvent au cœur des préoccupations nationales. L’État, ses opérateurs et les collectivités territoriales sont confrontés à un défi majeur : concilier impératifs écologiques, économiques et stratégiques pour assurer la transition énergétique de leur patrimoine immobilier.
La rénovation énergétique du bâti public apparaît ainsi non seulement comme une nécessité environnementale, mais aussi comme un enjeu de souveraineté énergétique et d’indépendance nationale. La question qui se pose alors : où en est la rénovation énergétique des bâtiments publics dans ce contexte de crise ?
Par Jacques Montagne
Plus que jamais, l’État et les collectivités territoriales, qui couvrent 10% du parc de bâtiments Français ont un rôle clé à jouer en matière d’exemplarité. L’article 5 de la directive européenne sur l’efficacité énergétique (DEE) souligne d’ailleurs le “rôle exemplaire des bâtiments appartenant à des organismes publics“, imposant la rénovation annuelle de 3 % de la surface au sol des bâtiments publics pour satisfaire aux exigences minimales en matière de performance énergétique. L’article 5 vise plus globalement à réduire significativement la consommation énergétique des bâtiments, avec pour effet escompté de diminuer la dépendance aux énergies fossiles importées.
Au fil des années, une avalanche de réglementations a été mise en place pour encadrer cette transition énergétique. En tête, le décret tertiaire, issu de l’article 175 de la loi Élan, impose des réductions significatives de consommation d’énergie dans les bâtiments tertiaires de plus de 1.000 m². Cette mesure concerne environ un milliard de mètres carrés en France, soit près de 68 % du parc tertiaire. Les objectifs fixés sont ambitieux : une diminution de 40 % d’ici 2030, 50 % d’ici 2040 et 60 % d’ici 2050, ou l’atteinte de seuils planchers fixés par arrêtés. Il est à noter que le secteur du bâtiment représente 44 % de la consommation énergétique nationale, ce qui en fait un levier majeur pour atteindre les objectifs climatiques et énergétiques.
La conjonction des crises énergétique avec la crise climatique renforce l’urgence de la rénovation énergétique.
En effet, les vagues de chaleur estivales récurrentes mettent en évidence la nécessité de garantir un confort thermique adéquat dans les bâtiments publics, notamment les écoles. Le confort d’été devient une priorité, incitant les collectivités à intégrer des mesures d’adaptation aux changements climatiques dans leurs appels d’offres publics, conformément aux préconisations de l’ADEME. Les projets de rénovation visent ainsi à améliorer l’efficacité énergétique tout en assurant le bien-être des usagers.
La crise énergétique agit comme un catalyseur de la rénovation. En effet, la hausse persistante des prix de l’énergie, notamment du gaz, pèse lourdement sur les budgets des collectivités. Cette situation les incite à rechercher des solutions pour réduire leurs dépenses énergétiques. Malgré la dépendance à l’import d’uranium, consommer de l’électricité produite en France ou du bois local apparaît alors comme une alternative plus économique et plus souveraine que l’utilisation de gaz importé, souvent en provenance de Russie. La transition vers des sources d’énergie locales et renouvelables contribue non seulement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi au renforcement de l’indépendance énergétique.
Face à ce foisonnement d’injonctions convergentes, l’action apparaît comme une évidence, et pour enfoncer le clou de nombreuses aides sont disponibles pour soutenir les projets de rénovation énergétique. Des programmes comme ACTEE+, le Fonds vert, la Dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), la Dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID), les Certificats d’économies d’énergie (CEE), ainsi que les initiatives européennes comme le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le plan France Relance, offrent des opportunités conséquentes de financement. Ces dispositifs visent à alléger le poids financier des travaux de rénovation et à encourager les collectivités à s’engager dans la transition énergétique.
Des acteurs déterminants
Plusieurs acteurs jouent un rôle déterminant dans cette dynamique. Les banques publiques, comme la Banque des Territoires, les fonds d’investissement, les agences nationales telles que l’ADEME, l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU) ou l’Agence Nationale du Sport (ANS), apportent leur expertise et leur soutien financier. Les collectivités locales et l’État agissent comme catalyseurs pour impulser et soutenir les projets de rénovation, en mettant en place des stratégies cohérentes et ambitieuses.
L’intracting émerge comme une solution financière innovante et efficace. Ce mécanisme permet aux collectivités de financer des projets d’efficacité énergétique grâce à des avances remboursables, créant un cycle vertueux où les économies réalisées sont réinvesties dans de nouveaux projets. La ville d’Albertville en est un exemple probant : Débuté avec un fonds de 113.000 euros en 2019, l’intracting a permis de gérer un fonds de plus de 500.000 euros fin 2023, avec une projection à deux millions d’euros d’ici fin 2026. Cette approche permet de pérenniser les investissements dans la rénovation énergétique, tout en maîtrisant les budgets publics.
De même, l’université Rennes 1 a mis en place un fonds de 3 millions d’euros pour moderniser son parc immobilier, visant la rénovation de 100 % de son patrimoine bâti sur 15 ans. Ce plan ambitieux s’inscrit dans une volonté de réduire la consommation énergétique, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre et de renforcer l’indépendance énergétique de l’établissement.
L’école Romain-Rolland (Clermont-Ferrand), illustre parfaitement cette démarche. Lauréate du prix CUBE.écoles, elle a réalisé une réduction de 38,7 % de sa consommation d’énergie en un an. Cette performance témoigne du potentiel des collectivités à agir efficacement sur leur patrimoine bâti en mobilisant l’ensemble des leviers disponibles : investissements, gestion intelligente des ressources, mobilisation des usagers.
Si le budget demeure un problème, au-delà des investissements et des technologies, la sobriété énergétique demeure le levier le plus efficace et rentable pour réduire la consommation d’énergie. Elle implique des changements de comportements, une gestion optimisée des équipements et une sensibilisation des usagers. La sobriété permet des économies immédiates sans nécessiter de lourds investissements, tout en préparant le terrain pour des actions plus structurantes.
Nécessité environnementale, opportunité économique et impératif stratégique pour les collectivités et l’État.
La rénovation énergétique des bâtiments publics s’impose donc comme un enjeu majeur à l’intersection de la crise écologique et de la quête de souveraineté énergétique.
La conjonction des aides financières, de la hausse des coûts de l’énergie, de l’urgence climatique et du besoin d’indépendance énergétique converge vers un même objectif : réduire la consommation de gaz, diminuer les dépenses énergétiques et renforcer la souveraineté nationale en privilégiant les sources d’énergie plus locales et bas-carbone. (Electricité avec les pompes à chaleur, ou encore bois en chaudière à combustion)
L’urgence d’accélérer les actions est palpable pour atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2030 : il s’agit non seulement de respecter les engagements européens et internationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de garantir un meilleur confort pour les usagers des bâtiments publics. L’exemplarité de l’État et des collectivités territoriales est essentielle pour impulser une dynamique nationale de transition énergétique, montrant la voie vers un avenir plus durable, plus résilient et plus souverain.
La rénovation énergétique du bâti public est donc devenue une nécessité impérieuse qui réunit enjeux écologiques, économiques et stratégiques. En réduisant la dépendance aux énergies fossiles importées et en valorisant les ressources locales, la France renforce sa souveraineté énergétique et contribue activement à la lutte contre le changement climatique. Les combats pour la crise écologique et la souveraineté énergétique convergent ainsi, offrant une occasion unique de transformer durablement le paysage énergétique national.
Jacques Montagne est le Directeur général d’Alter Watt, un bureau d’étude énergétique, né de la conviction que la transition écologique est un enjeu majeur des années à venir.
Alter Watt aide ses clients à réduire la consommation énergétique de leurs bâtiments avec des solutions intégrant la dimension globale de la transition écologique.
Avec 50 collaborateurs, la société opère partout en France. Elle dispose du certificat Audit OPQIBI 1905 et respecte les normes NF EN 16247 intégrées dans sa méthodologie.
Alter Watt est articulé en trois typologies d’expertises synergiques : étude, travaux et financement.