Centre de rétention administrative (CRA)

Centre de rétention administrative (CRA)
7 février 2024 pierre

Centre de rétention administrative (CRA)

Les centres de rétention administrative (CRA) sont des établissements destinés à accueillir les personnes en situation irrégulière, en attente de leur expulsion du territoire français. « Une sorte de sas qui permet d’avoir l’étranger en situation illégale sous la main, le temps de lui trouver un billet d’avion », résume un préfet au Figaro. Ce ne sont pas des prisons. La surveillance est assurée par des policiers, plus de 2.000.


En France, il existe 25 CRA, répartis sur l’ensemble du territoire. En 2023, les CRA ont une capacité d’accueil totale de 1.936, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en promet 3.000 en 2027.

  • En 2018, la Cour des Comptes évaluait le coût moyen de la rétention à 6.234 € ;
  • En 2022, 43.565 personnes ont été placées en CRA ;
  • En 2022, les principales conditions d’interpellations sont : Contrôles de police (38,2%), Sorties de prison (26,6%), Arrestation au guichet de la préfecture (9,3%), Interpellations frontières (6%) ;
  • En 2022, les hommes représentent l’écrasante majorité (environ 95%) ;
  • En 2022, les trois nationalités les plus représentées sont : Algérienne, Albanaise et Marocaine.

En 2022, la durée moyenne de rétention était de 23 jours, contre 12,8 en 2017.
Un individu ne peut pas être retenu plus de 48 heures, sauf en cas d’absence d’éloignement. Il existe plusieurs prolongations possibles :

  • Une 1ère prolongation de 28 jours francs peut être demandée par le préfet. Ce dernier saisit le juge des libertés et de la détention (JLD), qui statue sous 48h ;
  • Une 2e prolongation de 30 jours peut être demandée. La procédure reste la même mais la demande doit être motivée (menace à l’ordre public, risque de fuite, impossibilité de justifier l’identité du retenu, absence de laissez-passer consulaire, etc.) ;
  • Une troisième prolongation de 15 jours est également possible.

Au total : la rétention peut durer au maximum 90 jours ou 210 jours en cas d’activité terroriste.3

À noter : La probabilité d’éloigner un retenu baisse avec le temps d’enfermement. La durée maximale de rétention est passée de 7 jours en 1981 à 12 en 1998, à 32 en 2003, 45 en 2011 et 90 en 2018.

Une directive européenne de 2008 recommande pourtant une durée maximale de 18 mois.

A titre de comparaison, la durée maximale en Allemagne et en Italie est de 18 mois, en Belgique de 8 mois, lorsque les pays du nord de l’Europe ne fixent pas de limites.
À noter que sur les 341.000 mesures d’éloignement à l’échelle de l’UE seules 21 % sont eectives4.

Les principales critiques des conditions de séjour

Les associations dénoncent pour leur part la durée des séjours et les conditions de détention. Les CRA sont souvent décrits comme des lieux insalubres et surpeuplés. Les personnes retenues ne disposent pas d’espace personnel susant et les conditions d’hygiène sont souvent déplorables5.

L’éloignement

  • En 2022, sur les 43.565 retenus :
    → 27.000 retenus dans les départements d’Outre-Mer, dont 26.000 à Mayotte, expulsés à 76 % ;
    → 16.000 retenus en France métropolitaine, qui sont expulsés à 50,2 %. Les 7315 retenus sont libérés à 93% par le juge judiciaire (JLD et cour d’appel)

« C’est à nous de prouver qu’un retenu est Algérien ou Marocain. Ils se disent toujours de nationalités compliquées à prouver comme Palestiniens par exemple, et ensuite, on doit encore obtenir leur laissez-passer et l’autorisation de les faire embarquer sur un vol », explique le commandant Jean-Noël Suberbere du CRA de Bordeaux.

Les retenus vont constamment chercher à éviter l’éloignement, à quelques exceptions près. Il existe une multitude d’obstacles à l’éloignement comme la fuite, le refus de monter dans l’avion, le refus de se rendre au consulat, etc. Il existe également des voies de recours devant le tribunal administratif, la cour d’appel, le juge des libertés et de la détention (JLD). On dénombre ainsi une douzaine de manières de faire obstacle à la mesure d’éloignement.

Ce à quoi s’ajoute le contexte politique. Certains pays, notamment du Maghreb, vont tout faire pour ne pas reconnaître leurs ressortissants. Si un pays refuse de délivrer les laissez-passer consulaires, la France n’expulsera pas le clandestin. Le gouvernement français peut alors engager un rapport de force.

« Le CRA est le lieu ultime de la schizophrénie puisque nous partageons ces locaux avec des associations, largement financées par de l’argent public, pour nous mettre des bâtons dans les roues au quotidien », un chef de police du Grand Est.

L’objectif des associations d’aide aux migrants est d’éviter la création de nouveaux CRA et d’empêcher l’expulsion eective des illégaux. Une source policière a confié au CRSI que ces associations vont même dans certains cas à l’encontre de la volonté de certains retenus de retourner dans leur pays. « Les associations font tout pour éviter l’exécution d’une mesure d’éloignement et juger notre activité en permanence. Certains vont jusqu’à faire remplir au retenu un recours d’asile, tout en sachant qu’il sera refusé par la France, le jour prévu de son expulsion. Par conséquent, l’expulsion ne peut avoir lieu », explique cette source policière.

Le basculement vers l’ultraviolence

  • Depuis août 2022, le ministère de l’Intérieur a demandé à ce que les profils des étrangers présentant des troubles à l’ordre public (TOP) soient en priorité expulsés. « Même si l’éloignement de certains d’entre eux, originaires de pays en guerre ou en très forte instabilité, ne sera souvent pas possible » note le rapport de la Cour des comptes de 2024. Et continuer : « La définition des profils “TOP” n’est toutefois pas formalisée ni partagée entre les services. Il apparaît désormais nécessaire de mieux identifier ces personnes présentant des troubles à l’ordre public dans les systèmes d’information et de mieux suivre leur éloignement effectif ».
  • Une source policière confirme au CRSI que depuis août 2022, les CRA sont très majoritairement composés de profils TOP : « Avant, le traitement des retenus était plus simple, car il s’agissait d’individus, certes illégaux, mais plus insérés dans la société. Les TOP amènent les codes de la pénitentiaire : l’automutilation pour éviter l’éloignement, le fait d’être armé, etc. Tout le mobilier leur sert d’arme, ils y voient une armurerie. Des bagarres éclatent, car ils sont très violents entre eux. Les fuites, les actes de rébellion ou les nuits d’émeutes ne sont pas rares. Il y a effet d’usure de l’humain et du mobilier. Nous sommes sur la brèche tous les jours. Les CRA ne sont plus adaptés. »

70% des retenues du CRA de Bordeaux sont relâchées dans la nature faute d’identification

Des coûts financiers élevés

Le préfet et inspecteur général de l’administration, Michel Aubouin s’interroge dans le Figaro sur « la pertinence du niveau des normes que le ministère s’est lui-même imposé et sur le choix de confier à un service de police la gestion hôtelière des établissements plutôt qu’à des sociétés spécialisées » et juge que « les surcoûts induits par les procédures administratives sont incompatibles avec les contraintes imposées par le ministère du Budget ».

Il soutient que « la répartition géographique des CRA génère d’importants coûts de fonctionnement. Il n’est pas rare qu’un étranger soit conduit dans une voiture de police d’un bout à l’autre de la France. La solution la plus rationnelle serait évidemment d’implanter des CRA à proximité des aéroports ou des ports » et que « tous les aéroports orant des destinations internationales devraient être dotés d’un CRA. (…) Pour les sortants de prison, il est nécessaire de spécialiser des CRA (…) et d’en installer à proximité des grandes maisons d’arrêt ». Une solution serait également la systématisation des vols dédiés (pilote et “équipage” policiers) et permettrait de réduire les coûts des expulsions. Lorsqu’il s’agit d’un vol commercial, les individus peuvent refuser de monter dans l’avion (en l’absence d’une escorte policière) et quand bien même des policiers sont présents, le commandant de bord peut refuser de les transporter, jugeant qu’ils représentent ou non une menace pour son avion.


Sources

Le Figaro

Service public

Cimade, 2022