Après ce nouvel attentat à Nice, la France doit prendre la mesure du danger terroriste. Dans un contexte de risque durable, il nous faut rétablir un niveau de sécurité permettant la protection de nos libertés.
Causeur1. Depuis mars 2012 et l’équipée meurtrière de Merah, le terrorisme islamiste a transformé beaucoup de nos concitoyens en ennemis impitoyables. Vous avez déclaré en janvier 2015 que la France était en guerre. Comment la mener quand l’ennemi peut être mon livreur de pizza, mon voisin de palier ou mon collègue de bureau ?
Thibault de Montbrial2. À mon sens, c’est dans le changement d’état d’esprit que réside la clé. Péguy disait : « Il faut toujours dire ce que l’on voit, mais surtout, il faut voir ce que l’on voit. » Si la classe politique commence à comprendre, l’ensemble du corps social doit réaliser que les formidables décennies de paix que nous venons de connaître sont terminées. Les attentats de 2015 et de 2016 constituent non pas une vague terroriste ponctuelle, comme cela a pu être le cas en 1985-1986 ou au milieu des années 1990, mais un phénomène durable. Nous sommes désormais confrontés à un islam sunnite de conquête, plus ou moins structuré à l’étranger, mais qui recrute des dizaines de milliers de combattants et de sympathisants parmi des jeunes Français qui vouent à leur pays une haine tenace. C’est à cette réalité qu’il nous faut nous adapter sur le long terme. Ce qui pose un double défi : il nous faut, d’une part, trouver le ressort politique permettant de recréer un projet commun et, d’autre part, mettre en place une politique de sécurité à la hauteur des épreuves qui nous attendent sans faire exploser notre société.
En tant qu’avocat, où placez-vous le curseur entre liberté et sécurité ?
Contrairement à la caricature répandue, les concepts de liberté et de sécurité ne sont pas antagonistes mais complémentaires, dès lors qu’il n’y a pas de liberté sans sécurité pour l’exercer – quel en serait le sens ? L’enjeu, c’est de trouver le juste équilibre pour qu’un niveau satisfaisant de sécurité permette le plein exercice des libertés. Mais si nous relâchions trop la garde au plan sécuritaire, nous pourrions assister à une succession d’actes de violence conduisant, in fine, à l’effondrement de notre société.
Vous n’en rajoutez pas un peu ?
Non ! Mais beaucoup d’observateurs, comme vous, ou de décideurs, n’ont pas pris pleinement conscience de la réalité de ce risque.
1) Cet entretien a été réalisé avant l’attentat de Nice