Le bilan inquiétant de la politique d’immigration

Le bilan inquiétant de la politique d’immigration
1 novembre 2024 Olivier Debeney

Le bilan inquiétant de la politique d’immigration

Par Nicolas Pouvreau-Monti, Directeur de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie


Un débat public focalisé

En matière d’immigration, le débat public apparaît très fréquemment focalisé sur les enjeux les plus « quantitatifs » – à savoir le nombre d’entrées et de personnes immigrées ou étrangères présentes sur le territoire national (qui sont évidemment des sujets de questionnement légitime) – et beaucoup plus rarement sur les aspects « qualitatifs » de la question, qui conduisent à analyser les trajectoires économiques et sociales des personnes immigrées et de leurs descendants.

Or, alors même que l’immigration est fréquemment présentée comme une opportunité  face  à  la  pénurie  de main-d’œuvre dans certains secteurs et une solution face au vieillissement démographique, les données publiques en la matière dessinent les contours d’une réalité bien plus « nuancée » qu’on ne le souhaiterait parfois. En réalité, l’immigration accueillie en France comporte une dimension trop peu évoquée, si ce n’est taboue : la forte prévalence des profils de « consommateurs fiscaux nets », c’est-à-dire sur-bénéficiaires et sous-contributeurs des dispositifs de solidarité collective.

Ainsi, l’analyse des données détaillées mises en ligne dans le cadre d’un rapport de l’OCDE publié l’an dernier sur « les indicateurs de l’intégration des immigrés » [1] démontre que le taux d’emploi des personnes nées à l’étranger est l’un des plus faibles en France parmi l’ensemble des pays de l’UE, puisque seules 61% d’entre elles occupaient un emploi dans leurs classes d’âge de 15 à 64 ans en 2021, soit 7 points de moins que les natifs du territoire. De même, selon une approche fondée sur la nationalité et non plus sur le lieu de naissance: seule la moitié (51,7%) des étrangers extra européens en âge de travailler occupaient un emploi en France en 2020, soit un taux inférieur de 14 points à celui des citoyens français – mais aussi 15 points de moins que ceux au Royaume-Uni, 9 points de moins qu’au Danemark, 6 points de moins qu’en Allemagne.

Selon un autre point de vue, qui porterait cette fois sur le taux d’activité, les « actifs » – c’est-à-dire ceux qui occupent ou recherchent un emploi – ne représentaient que 64 % des étrangers extra-européens en âge de travailler, ce qui en fait le 3ème taux le plus bas de toute l’UE, après la Belgique et les Pays-Bas. Par ailleurs, le taux de chômage des étrangers extra-européens en France était, quant à lui, de 19,5%, soit plus du double de celui des Français (8 %).

Corrélativement, 47,6% des ressortissants extra-européens en France vivaient sous le seuil de pauvreté en 2020 (calculé par rapport au salaire médian de chaque pays), ce qui en fait le taux le plus élevé d’Europe, à égalité avec l’Espagne, mais aussi une part quatre fois supérieure à celle des citoyens français (11,5%, soit un écart record dans l’UE de 36 points).

Plus inquiétant, certains aspects de ces difficultés semblent se maintenir à la « deuxième génération », puisque 24% des jeunes nés en France de parents immigrés n’étaient ni en emploi, ni en scolarité ni en formation, ce qui représente le deuxième taux le plus élevé du monde occidental, derrière la seule Belgique.

En 2020 :

  • 47,6% des ressortissants extra-européens en France vivaient sous le seuil de pauvreté.
  • 24% des jeunes nés en France de parents immigrés n’étaient ni en emploi, ni en scolarité ni en formation

Ainsi, pour mieux comprendre ces résultats saisissants, quelques pistes d’explications peuvent être évoquées.

Tout d’abord, une première raison tient à la nature même des flux migratoires vers la France, principalement d’origine « familiale » : 41,2% des entrées d’immigrés permanents ont été effectuées sur ce fondement dans notre pays entre 2005 et 2020, ce qui en fait le taux le plus élevé parmi toute l’Europe de l’Ouest, et un taux trois fois supérieur à celui constaté en Allemagne. En comparaison, seules 10,5% des entrées sur la même période ont été effectuées pour le motif « travail » en France.

Par ailleurs, un deuxième facteur d’explication tient au degré de qualification des immigrés accueillis en France : en 2020, 33% des personnes nées à l’étranger, âgées de 15 à 64 ans, vivant en France et sorties du système éducatif n’avaient qu’un niveau inférieur ou égal au brevet des collèges, soit le double des personnes nées en France (16%). A ce titre, l’écart est encore plus élevé en matière de nationalité : 42,6% des étrangers extra-européens des mêmes classes d’âge n’avaient aucun diplôme ou seulement un niveau brevet à la même année, ce qui représente une proportion supérieure de 26 points à celle des Français (16,7 %).

Enfin, une dernière clé de compréhension pourrait résider dans la plus grande « distance culturelle » avec la société d’accueil, liée à l’origine des flux migratoires que reçoit notre pays. En effet, la France est le pays développé qui accueille l’immigration la plus africaine, et de très loin par rapport à nos voisins : 61 % des immigrés de 15 à 64 ans vivant en France en 2020 étaient originaires du continent africain, ce qui représente une part trois fois supérieure à la moyenne de l’UE. Pour le Portugal, qui figure au deuxième rang européen en la matière, cette part n’était que de 35%, soit 26 points de moins.

En 2020 :

  • 61 % des immigrés de 15 à 64 ans vivant en France en 2020 étaient originaires du continent africain,
  • Trois fois supérieur à la moyenne de l’UE.

Si certains de ces résultats présentent des caractéristiques spécifiques à la France de par leur ampleur, le bilan fiscal et budgétaire de l’immigration en Europe semble, selon les études et statistiques publiques disponibles à ce sujet, converger vers les mêmes conclusions dans plusieurs pays de la zone.

Ainsi au Royaume-Uni, qui a reçu une immigration nette de 2 millions de personnes entre 2021 et 2023, un récent rapport du Centre for Policy Studies (influent think-tank proche du Parti conservateur) a-t-il recensé une série d’études qui accréditent toutes le constat selon lequel les immigrés extra-européens sont en moyenne plus largement bénéficiaires que contributeurs aux comptes publics, tandis qu’elles dressent un bilan plus équilibré de l’immigration européenne. L’an dernier, un rapport pour l’université d’Amsterdam conduit par l’économiste J.H. van de Beek arrivait au même type de conclusion dans le contexte de l’immigration reçue aux Pays-Bas.

Une approche différenciée de la politique d’immigration mériterait donc d’être mise en œuvre en fonction des origines géographiques, afin d’assigner à celle-ci un objectif identique aux autres grandes politiques publiques : minimiser les coûts et maximiser les bénéfices pour la société française. La tâche d’engager cette révolution copernicienne incombe désormais au gouvernement de Michel Barnier.

 


Sources

[1] Rapport OCDE, 2023