La répartition des migrants sur le territoire européen
Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile devrait sensiblement modifier les critères de répartition des migrants entre pays de l’UE, définis par les accords Dublin III. Comment s’opère cette répartition aujourd’hui ?
Par Tristan Audras
La répartition des migrants en Europe
- 380 000 migrants sont entrés illégalement dans l’UE en 2023 (+17% par rapport à 2022) : les principaux points de passage sont la Méditerranée centrale (41%), les Balkans (26%) et la Méditerranée orientale. L’Italie est le premier point d’entrée dans l’UE (presque 40%, environ 150 000 clandestins en 2023) suivi de l’Espagne et de la Grèce.
- Les migrants recueillis sont transférés dans différents centres d’accueil dans laquelle leur demande d’asile est traitée. En France les dispositifs d’accueil sont pilotés par l’Office Français de l’immigration et de l’intégration (OFII).
- Depuis les accords Dublin III (2013) le pays qui prend en charge la demande d’asile est celui qui a joué le rôle le plus important dans l’entrée du demandeur sur le territoire de l’UE. Cette importance est mesurée à partir de trois critères hiérarchisés : la présence de membre de la famille dans un État membre, l’octroi de titre de séjours antérieurs et le point d’entrée du migrant dans l’UE. Il existe des aussi des possibilité de relocalisations des demandes mais celles-ci sont peu utilisées. En septembre l’Allemagne a par exemple suspendu son accueil volontaire de migrants en provenance d’Italie du fait d’une trop forte « pression migratoire ».
- 1,14 millions de demandes d’asile ont été déposées dans l’UE en 2023 :
- Allemagne : 350 000 demandes (+51% par rapport à 2022)
- France : 167 000 demandes (+8.6% par rapport à 2022)
- Espagne : 162 000 (+37% par rapport à 2022)
- Italie : 136 000 demandes
- Les migrants proviennent essentiellement :
- De Syrie : 181 000 demandes (16% du total ; +38% par rapport à 2022)
- D’Afghanistan : 114 000 demandes (10% du total ; -11% par rapport à 2022)
- De Turquie : 101 000 demandes (9% du total)
- Le taux d’acceptation des demandes d’asile tout comme les conditions d’accueil des migrants varient selon les pays. Néanmoins depuis les années 1990, le Régime d’asile européen commun (RAEC) définit des normes minimales en matière d’asile.
- En 2023 dans l’UE, le taux d’acceptation globale était de 43%. Ce taux varie selon les pays de provenance : Syriens (80%) ; Afghans (61%) ; Turcs (25%) ; Bangladeshis (5%).
- En 2023, 24 millions de citoyens non-européens résidaient en Europe soit environ 5% de la population. Les pays les plus attractifs sont l’Allemagne, l’Espagne et la France mais le pays de provenance des migrants joue fortement dans le choix final de destination : les Espagnols accueillent beaucoup de Vénézuéliens, de Colombiens et de Péruviens, les Allemands accueillent beaucoup de Turcs…
- La France compte aujourd’hui entre 600 000 et 900 000 clandestins (Ministère de l’Intérieur). Parmi les demandeurs déboutés, on retrouve principalement des Ivoiriens, des Algériens, des Nigérians, des Comoriens, des Bangladais et des Turcs.
L’OFII (O ce français de l’immigration et de l’intégration) rempli cinq principales missions vis-à-vis des immigrés légaux et illégaux :
- Recevoir les demandes et de préparer les regroupements familiaux
- Accueillir et d’intégrer les immigrés dans le cadre du contrat d’intégration républicaine
- Mettre en place les dispositifs d’aide au retour et à la réinsertion.
- Accompagner les demandeurs d’asile (pilotage des structures de premier accueil, supervision des places d’hébergement…)
- Traiter les demandes d’embauche d’étrangers par les chefs d’entreprise.
Depuis 1999 et le Conseil de Tampere, le Régime d’asile européen commun (RAEC) est constitué d’un ensemble de textes législatifs ayant pour objectif de définir les normes minimales de traitement des demandes d’asile. Ces textes concernent : les politiques de VISA, la coopération consulaire, la circulation entre pays dans le cadre de Schengen… L’objectif est de tendre progressivement vers une procédure d’asile commune et un statut uniforme des réfugiés dans tous les pays de l’UE.
Le rôle des associations d’aide aux migrants Les associations d’aide aux migrants jouent un rôle de premier plan dans l’accueil des migrants. Certaines sont bien connues comme France Terre d’Asile ou SOS Méditerranée, médiatisée lors de l’affaire Ocean Viking [1], mais il en existe en réalité une multitude : 1 500 recensées par le ministère de l’Intérieur [2].
Ces associations répondent ainsi à des appels à projets publics et signent des conventions qui leur permettent d’exercer une partie des missions de l’État. Elle reçoivent des subventions : 736 millions d’euros en 2023 [3]. Les États européens, en difficulté sur ces sujets, n’hésitent pas à s’appuyer sur ces entités à leur déléguer des compétences régaliennes (gestion des flux, accueil, etc.) en n’ayant parfois des objectifs différents [4]. L’exemple de l’Allemagne finançant des ONG en Italie est à souligner [5].
Sources
[1] Europe 1, 16/11/2022[2] Europe 1, 18/11/2022
[3] Annexe PLF 2023
[4] Ce qui fera l’objet d’une prochaine note du CRSI
[5] JDD, 07/10/2023