Les coûts économiques et sociaux attendus des JO
Après avoir décrit les effets bénéfiques des Jeux, penchons-nous désormais sur la question des coûts, qu’ils soient économiques ou sociaux.
Par Tristan Audras
Coûts économiques
Le coût économique des Jeux Olympiques de Paris est aujourd’hui estimé à 8,9 milliards d’euros.
Il s’agit d’un budget extrêmement raisonnable en comparaison des olympiades organisées précédemment (50M€ pour Pékin et 30M€ pour Tokyo).
Ces coûts sont pour moitié des dépenses de fonctionnement du Comité des Jeux Olympiques de Paris (COJO) et pour moitié des dépenses d’investissement de la Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) :
- Les dépenses de fonctionnement (salaires, dépenses de nourriture, transport des athlètes…) sont assumées presque exclusivement par le privé (96%) : vente des billets, partenariats avec des entreprises, dotation du Comité International Olympique (CIO)… .
- Les dépenses d’investissement sont assumées pour moitié par le privé et pour moitié par le public dont environ un quart pour l’Etat et 4% pour la mairie de Paris.
Du côté des dépenses de fonctionnement, l’augmentation des dépenses du COJO (de 3,8 à 4,4 milliards) s’explique pour moitié par l’inflation et pour moitié par une sous-estimation des dépenses.
En ce qui concerne les dépenses d’investissement, le projet de loi de Finance 2024 prévoyait 2,44 milliards d’euros de dépenses publiques. La Cour des comptes table plutôt sur une facture de 3 à 5 milliards d’euros. Elle souligne plusieurs dépenses qui n’ont pas été prises en compte, notamment les dépenses supplémentaires liées à la sécurité (1.900 euros de prime pour les policiers). En ajoutant ces éléments la facture totale des jeux pourrait avoisiner les 10 voire 11 milliards d’euros.
Le dossier de candidature de 2017 prévoyait un coût total de 6,6 milliards d’euros. Si l’on maintient les estimations actuelles (8,9M€) l’augmentation globale des coûts serait de 34,8%. Avec les estimations de la cour des comptes, l’augmentation serait de 66%. Si cette hausse des dépenses est conséquente, on ne peut parler de dérapage dans la mesure où le coût global reste plutôt faible pour une Olympiade.
L’agence de notation Standard and Poors a d’ailleurs indiqué dans une note en mars dernier que “les Jeux Olympiques de Paris devraient rester dans les clous budgétaires”.
Coûts sociaux
Intérêt des Français
Les Français ne semblent pas particulièrement enthousiastes devant la venue des jeux en France.
D’après un sondage Harris Interactive seuls 51% d’entre eux comptent suivre les épreuves en direct où à la télévision.
Mobilisations professionnelles
La colère gronde parmi certaines professions mobilisées. Beaucoup profitent des jeux pour négocier des primes.
Le 21 mai dernier les cheminots se sont mis en grève pour réclamer des primes aux JO. Si la plupart des syndicats ont accepté un accord avec la direction (95€ brut de prime par jour), la CGT considère elle qu’il est inégalitaire puisqu’il ne concerne que les cheminots qui travaillent sur un site olympique.
L’APHP aura besoin de 800 équivalents temps plein supplémentaires lors des jeux. Elle propose une prime allant de 800€ brut par semaine pour les salariés de catégorie C à 2.500€ brut pour les médecins. Les syndicats FO, CGT, UNSA et CFTC ont jugé ces primes “insu$santes” et “discriminatoires” et réclament 2.000€ brut pour tous et trois semaines de congés d’été. Le président de l’Association des médecins urgentistes, Patrick Pelloux, avait menacé en janvier d’une grève du zèle.
La RATP doit augmenter de 15% ses effectifs pendant les JO. Après plusieurs jours de grève, les agents de la RATP ont obtenu jusqu’à 2.500€ de primes. La menace d’une grève s’éloigne même si le préavis de la CGT n’a pas été levé.
D’autres professions se sont mobilisées notamment les éboueurs ou les salariés d’ADP. Les contrôleurs aériens ont, eux, annoncé une trêve olympique.
Expulsions
Le collectif Le Revers de la médaille dénonce, dans un rapport paru début juin, un “nettoyage social” en cours dans la région ile de France. Depuis le printemps 2023, les opérations se succèdent (environ 42 depuis septembre) pour expulser les sans-abris situés à proximité des sites olympiques : expulsions des squats, des campements, des bidonvilles ; interdiction des distributions alimentaires ; suppressions de places d’hôtel social… . Au total, plus de 12.500 personnes ont été expulsées depuis le 1er mai 2023, et plus de 5.200 déplacées en dehors d’Ile de France.
En mai 2023, officiellement sans aucun lien avec l’organisation des JO, le ministère de l’Intérieur a mis en place dans plusieurs régions un dispositif d’accueil temporaire des personnes sans-abris en provenance d’Île de France. Pris en charge par des associations, les sans-abris sont déplacés vers des sas situés en province dans lesquels ils sont recueillis trois semaines pendant que leur situation administrative est évaluée. Un de ces centres à notamment ouvert à Orléans et déjà recueilli plus de 500 personnes. D’après le ministère de l’Intérieur 134 personnes ont été prises en charge dans le département du Loiret ce qui permet de désengorger la capitale. Le Maire, Serge Grouard, s’est montré très critique envers ce dispositif soulignant que nombre de sans-abris retournent dans la rue au bout des trois semaines : “Orléans n’a pas vocation à accueillir la colline du crack” a-t-il déclaré.
Près de 3.000 étudiants vont être temporairement expulsés de leur logement Crous car ils doivent servir pendant la période estivale afin de loger différentes professions publiques mobilisées pour les JO. Ceux qui le souhaitent sont relogés dans d’autres résidences universitaires.
Le coût environnemental
D’après les organisateurs, les JO devraient engendrer le rejet de 1,58 million de tonnes d’équivalent CO2, soit deux fois moins que les JO de Londres ou de Rio.
Néanmoins, ce total demeure loin des objectifs initiaux qui prévoyaient des jeux positifs pour l’environnement. La première évaluation de la répartition des émissions prévoit 34% liées aux déplacements, 33% liées aux constructions et 33% aux opérations.
Afin de limiter les émissions, les organisateurs ont misé sur :
- L’utilisation d’infrastructures existantes,
- Des constructions moins carbonées avec des espaces végétaux (ex : piscine de Saint-Denis),
- Une offre de restauration végétarienne.
L’évaluation des émissions est critiquée par des associations écologistes. Martin Müller, professeur à l’université de Lausanne, parle d’un manque de “transparence” sur la méthode scientifique employée.